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ils bavardent. Vous les interrogez sur la vie qu’ils mènent là-bas : et, aussitôt, ils n’ont plus rien à vous dire ; ils s’en vont, et il n’y a plus personne.

Le docteur Hodgson, l’un des maîtres du spiritisme en Amérique, avait, de son vivant, promis de revenir, après sa mort, et de tout révéler : alors on connaîtrait la vie d’outre-tombe par lui comme, par les voyageurs, les pays lointains. Il revint, huit jours après sa mort. Et, par l’intermédiaire de Mme Piper (son ancien médium), il dit à. William James : — « Te rappelles-tu, William, qu’étant à la campagne, chez un tel, nous avons, avec les enfans, joué à tels et tels jeux ? — En effet, Hodgson, je me rappelle, répondait William James. — Bonne preuve, n’est-ce pas, William ? — Excellente, Hodgson !... » Et la causerie continua, très abondante et insignifiante. William James, rompant les chiens, demanda : — « Hodgson, qu’as-tu à nous dire au sujet de l’autre vie ?.., » Hodgson répondit : — « Ce n’est pas une vague fantaisie, c’est une réalité... » Bon ; mais enfin... « Vivez-vous comme nous, Hodgson ?... » Et lui : — « Plaît-il ?... » Était-il un peu dur d’oreille, désormais ? On répéta : — « Hodgson, vivez-vous comme nous ? » Il se taisait... « Avez-vous des vêtemens, des maisons ? » Comme on le pressait de répondre, il bégaya : — « Oui, oui, des maisons ; mais pas de vêtemens. Non, c’est absurde !... » Il ajouta : — « Attendez un moment, il faut que je m’en aille. — Mais tu reviendras ? — Oui. » Et, comme on dit, pas si bête ! il ne revint pas. Un autre esprit, nommé Rector, l’excusa : Hodgson était allé reprendre haleine. Je crois qu’il la reprend encore.

Avant d’examiner davantage la théorie des spirites, notons, — il en est temps ! — ce qu’ont de désolant ces dialogues, ce qu’ils ont de médiocre et d’absurde, ce qu’ils ont (à mon gré) de risible et, comme on n’a pas trop envie de rire à propos de ces augustes mystères d’outre-tombe, ce qu’ils ont (à mon gré) de révoltant. Ce pauvre docteur Hodgson, qui se sauve dès qu’il est au bout de ses papotages, fait pitié. M. Maurice Maeterlinck, si indulgent pourtant aux spirites, s’impatiente. Ces esprits, « pourquoi s’en reviennent-ils les mains et les paroles vides ? Est-ce là ce qu’on trouve quand on baigne à même l’infini ?... S’il en est ainsi, qu’ils le disent !... » Ils ne disent rien du tout. Leur babil ne vaut pas « la solitude glacée du néant. » Tout se passe (gardons cette scientifique prudence) comme si, ce que disent les esprits, l’indispensable médium l’inventait ; car ils racontent les petits faits d’ici-bas, non l’autre vie : ce qu’ils racontent, le médium le sait d’avance