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de tel ou tel danger qu’on puisse connaître, examiner, contre lequel on puisse organiser la résistance : l’effroi de tout un mystère immense, qui vous environne, vous presse et a des ruses déconcertantes, des astuces qu’on ne déjoue pas. Ce mystère : la Mort. Elle est dans ces poèmes comme dans la vie, et non à côté de la vie, au bout de la vie, au dénouement : elle est dans tous les épisodes, à toutes les minutes : et elle est dans l’étoffe même de la vie, tramée avec le fil des Parques.

Elle ne paraît aucunement douce ; elle n’apporte pas un cadeau, même lugubre, de sommeil à ceux qui ont veillé, de repos à ceux qui ont peiné. Que donne-t-elle ? On ne compte sur rien de bon. Ce qu’elle apporte, on l’ignore, dans l’épouvante. Elle vous tue ; elle vous prend. Elle n’a pas de visage, ni seulement de forme. Elle est, une fois, — mais sans qu’on l’ait vue, — une vieille reine, qui a le violent désir de régner seule, et sur un peuple de néant. Elle est, en général, une présence, autour de laquelle tout frissonne.

La vie effarée par le voisinage de la mort : cette vision de la vie occupe tous les premiers ouvrages de M. Maurice Maeterlinck ; et, de même qu’on la trouve au commencement de son œuvre, elle est aux prémisses de la pensée qu’il développe et dont il déroule les péripéties depuis une vingtaine d’années, sans redites, avec une continuité que rien ne dérange de son beau chemin.

Maleine, Tintagiles, Ursule, Mélisande, Sélysette et les autres victimes tremblantes de l’Intruse, sont de petites âmes vaincues d’avance et qui ne luttent guère. Mais lutter contre ce fantôme ?... Il y a, sinon pour écarter ce fantôme, du moins pour maîtriser la panique, une ressource : la méditation. Et c’est où aboutissait l’œuvre apaisée de M. Maurice Maeterlinck, avec ce livre de volonté souveraine, la Sagesse et la Destinée.

Il étudiait la vie et ne se contentait plus de l’apercevoir ; il en cherchait la vérité, disant qu’on ne peut rien espérer loin d’elle. Et il découvrait, dans tout le détail de la réalité, le mystère authentique et tel qu’à le constater ainsi l’on fait une synthèse du mysticisme et du positivisme. Or, la constatation méthodique du mystère apprivoise les âmes à le regarder. L’auteur de la Sagesse et la Destinée nous engageait à concevoir que « nous sommes autre chose que des êtres simplement raisonnables ; » même il exigeait, de la conscience claire, « le respect de l’inconscience qui ne veut pas encore se dévoiler ; » et il affirmait que « toute notre vie morale est située ailleurs que dans notre raison. » Cependant, il attribuait à la raison, qui ne sait pas tout, un contrôle sur tout le reste ; et il admettait que, par elle, la science pût un jour