Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 14.djvu/684

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Enfin comment la France se rappelle-t-elle, une fois tous les vingt ans, au souvenir de la population ? En envoyant pour représenter notre pavillon, au lendemain du jour où passèrent des cuirassés allemands, une canonnière minuscule, La Surprise.

Les sociétés françaises n’ont pas toujours montré plus de zèle à soutenir nos intérêts et d’intelligence à persévérer pour sauvegarder l’avenir. Une d’elles, que nous prendrons pour exemple, la Compagnie du Mozambique, lancée par un groupe de financiers français, commença par exploiter avec activité le territoire depuis 1891 au moment du conflit anglo-portugais : le port se développa rapidement, des Français y élevèrent des factoreries, un groupe construisit des quais, et, tout le temps que dura l’établissement du railway de Beïra à Salisbury, le commerce local, favorisé par la compagnie, florit. Mais, à la suite de l’Entente Cordiale, les agens et même une partie des actionnaires français cédèrent la place à des Anglais et à des Portugais ; les actionnaires français qui sont restés acceptent qu’il n’y ait pas de Français pour les représenter. Mais la compagnie, entraînée par ses pouvoirs draconiens, prétendit alors tout faire par elle-même, alourdit les impôts, exécuta impitoyablement les concessionnaires en retard, accapara les produits du sol tels que le caoutchouc et la cire. Les promesses faites par le premier gouverneur, le colonel Machado, ne furent point tenues par ses successeurs : il en résulta entre la Compagnie et ses administrés un conflit grave qui faillit même tourner au tragique : la Chambre de commerce fit fermer les magasins, les agriculteurs de Manica descendirent par train spécial, et l’on mit le gouverneur en demeure de s’embarquer le soir même pour Lisbonne ; on manda un comité représentant une oligarchie financière anglo-belge, des Portugais et quelques Français pour examiner les desiderata. Non seulement dans cette ville d’avenir encore toute récente on ne construit plus, mais le prix des loyers a baissé de 75 p. 100 ; on a démoli nombre de maisons pour ne pas payer de taxes ; alors que le transit a augmenté, il est curieux de voir, au terminus d’un chemin de fer unissant l’océan Indien au Cap et au Congo belge, une ville dans un état de délabrement avec une population découragée. Les champs d’or de Macequece, paralysés par l’instabilité des règlemens miniers tour à tour mis à l’essai, n’ont pas encore donné ce qu’on est en droit d’attendre de certaines découvertes comme celle de l’entreprise dirigée par un Français,