Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 14.djvu/678

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’argent et le fer abondent ; l’or qui donnait au XVIe siècle un revenu annuel de 120 millions est insuffisamment exploité : ces anciens pays du Monomotapa et de l’Ophir en regorgent encore, et les Portugais se vantent de tenir en eux a les clefs d’or de l’Afrique australe. » Les compagnies ont, depuis quelques années, étendu d’immenses plantations qui sont prospères, grâce à leurs droits régaliens selon lesquels elles peuvent obliger au travail les indigènes de leur concession comme on opère en territoire allemand. Celle du Madal à elle seule occupe 30 000 noirs et, en quelques mois, sa situation obérée est devenue heureuse. On compte 3 millions d’habitans prolifiques, et certains pensent que 2 autres millions échappent aux statistiques. Il ne manque qu’un peu de main-d’œuvre intelligente : on envie la France d’avoir les Malgaches, si souples et fins, et les Comoriens ; il n’en faudrait qu’une poignée pour l’éducation des Maquouas. « Quelles vastes plantations de caoutchouc et d’aloès, — nous disent partout des Européens énergiques et calmes que nous voyons satisfaits, assurés, — l’on pourrait créer ! » Du moins peut-on déjà se livrer à l’exploitation des forêts fécondes en cire, à la culture de la canne qui assura de copieux dividendes à plusieurs sociétés anglaises : le gouvernement cherche des concessionnaires et les accueillerait plus volontiers de la France. Le climat n’est nullement malsain : au bord même des fleuves, nous rencontrons des Blancs rosés qui ne sont pas rentrés en Europe depuis maintes années.

La fertilité d’une terre tropicale ne suffit pas à sa fortune, il faut y disposer d’un grand nombre de coolies. Les Portugais se plaignent par-dessus tout de ce que l’Angleterre leur enlève par an jusqu’à 150 000 immigrans dont le quart à peine revient après plusieurs années d’absence. Alors que la Cafrerie et la Rhodésie sont terres britanniques, c’est au Mozambique qu’elle prélève pour le Transvaal les deux tiers de ses mineurs. Presque toutes les forces vives de la colonie y passent, au point qu’on ne peut même embaucher les équipes de tâcherons indispensables pour établir tels petits chemins de fer côtiers comme ceux d’Inhambane et de Quilimane. Les agens de recrutement touchant une livre par tête, on voit tous ceux qui ont besoin d’argent, — même certains représentans consulaires de puissances, — se livrer à la lucrative opération ; les Indiens goanais se font rabatteurs, au grand profit de la Witwatersrand native labour association.