Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 14.djvu/676

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

national tout blancs, neufs et élégans, pour la gloire de la Banque Ultramarine. On en veut surtout aux Portugais de ce que, les Anglais et Allemands s’étant approprié et ayant mis en valeur l’hinterland, ils en recueillent un bénéfice appréciable. A la vérité, l’ancien régime n’a su distribuer dans ses possessions coloniales que des fonctionnaires sans actif patriotisme ni aucune culture, qui se souciaient fort peu d’aider les petits concessionnaires portugais, toujours exploités par les grandes compagnies suzeraines. La nouvelle génération apparaît très intéressante : anglicisés de manières, — les voici sportsmen, entretenant des clubs, se rasant la moustache, — ils restent latins d’esprit. Vers 1891, on détestait les Anglais, on les dénommait les « Pirates, » on appelait la livre sterling : « ouna ladra : une voleuse ; » les commerçans, y perdant par fierté nationale, échangeaient la livre au pair. Aujourd’hui, supputant avec précision la nécessité de l’apport financier des Anglais, on est revenu d’un sentiment aussi exclusif et on ne hait aussi violemment que les Allemands qui, eux, veulent prendre le territoire sans même avoir prêté de l’argent. On n’est ni anglophile, ni francophile, mais plutôt africain, quoique nullement afrikander, — presque comme les Brésiliens se particularisent américains.

L’Afrique n’appartient-elle pas aux Portugais, du Maroc où ils affirment garder plus de droits que les Espagnols jusqu’à Mogadischou aujourd’hui « subtilisé » par les Italiens ? Qui les premiers l’explorèrent et en dressèrent dès le XVIIe siècle la carte minutieuse, si jalousement cachée qu’elle a disparu ? Un voyageur anglais lui-même le certifie : « Les cartes portugaises du XVIIe siècle donnent une idée beaucoup plus exacte de l’intérieur du continent que celles des atlas faits il y a une vingtaine d’années, avant les découvertes des Burton et des Livingstone (Camerone). » Au XIXe siècle, faut-il rappeler le nom de Serpa Pinto, glorieux émule des Brazza ? C’est aux Portugais, agronomes et ingénieurs des nouvelles universités où s’élabore un enseignement positiviste, qu’il appartient d’exploiter les ressources infinies du Mozambique.

Ils forment des desseins grandioses.

Tout d’abord, en laissant à Lourenço son rôle de port du Transvaal, ils veulent rendre au port de Mozambique qui, lui, se trouve en avant d’un immense et opulent territoire portugais, son importance de capitale. Pour cela on rêve, soit d’édifier une