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aussi professeur de Droit, et de Droit commercial encore. L’enseignement lui convenait mieux que la chicane, mais à condition que ce fût l’enseignement des lettres. Il s’y préparait en s’occupant de ses thèses pour le doctorat, dont l’une fut consacrée à la philosophie de Dante. Au mois d’octobre 1840, il fut nommé à la Sorbonne suppléant de Fauriel. Il avait vingt-sept ans. Heureuse époque où l’on ne se méfiait pas de la jeunesse du maître qui va porter la parole devant des jeunes gens !

Ce que fut Ozanam dans sa chaire, un bon juge, J.-J. Ampère, va nous le dire : » Préparations laborieuses, recherches opiniâtres dans les textes, science accumulée avec de grands efforts, et puis improvisation brillante, parole entraînante et colorée, tel était l’enseignement d’Ozanam. Il est rare de réunir au même degré les deux mérites du professeur, le fond et la forme, le savoir et l’éloquence. Il préparait ses leçons comme un bénédictin et les prononçait comme un orateur, » Ce savant professeur était éloquent ; même, au dire de Cousin qui s’y connaissait, il était le plus éloquent des hommes. C’est de cela qu’il porte aujourd’hui la peine. Une autre tendance a prévalu dans notre haut enseignement. L’érudition s’y est installée dans toute sa sécheresse et prétend s’y faire aimer pour elle-même. Mais ses grâces ne sont appréciées que des seuls spécialistes : elles rebutent les auditeurs qui ne sont que des hommes cultivés désireux d’acquérir une plus large culture. L’ensemble du public lettré se détourne de la « nouvelle Sorbonne. » C’est la principale cause de cette multiplication des conférences qui pullulent dans Paris. Souhaitons que le souvenir d’Ozanam soit un argument et une aide pour ceux qui réclament le retour à la forme traditionnelle de l’enseignement français.

Il est un autre caractère des leçons d’Ozanam qu’il convient de ne pas dissimuler, de mettre au contraire en son plein jour, de souligner, ainsi que le faisait Ozanam lui-même : c’est, comme on dit dans le jargon d’aujourd’hui, leur caractère tendancieux ou confessionnel. Alors même que l’objet de son cours est d’exposer les événemens de l’histoire ou le mouvement de la littérature, le professeur garde une idée de derrière la tête, ou, pour mieux dire, il a devant les yeux cette idée qui est sa préoccupation constante : démontrer la vérité de la religion. Il fait plus que de l’avouer, il tient à le déclarer nettement dans la préface des Études germaniques : « Ceux qui ne veulent pas