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intelligences trouvent un point de ralliement pour le temps de leur exil... Il importait donc de former une association d’encouragement mutuel pour les jeunes gens catholiques, où l’on trouvât amitié, soutien, exemple... Or, le lien le plus fort, le principe d’une amitié véritable, c’est la charité. » En même temps, il organisait, toujours entre jeunes gens, des conférences d’histoire et de droit. Une ardeur généreuse l’enflammait. Quand même on ne partagerait pas les croyances d’Ozanam, comment lire sans émotion des déclarations comme celle-ci, qui jaillit toute brûlante de son cœur : « La terre s’est refroidie : c’est à nous, catholiques, de ranimer la chaleur vitale qui s’éteint ; c’est à nous de recommencer aussi l’ère des martyrs ? » Et comment ne pas saluer avec respect des jeunes gens qui, dans une correspondance familière, s’expriment sur ce ton ?

Les premières visites d’Ozanam avaient été pour Chateaubriand et Ballanche. Il vit Montalembert et Lamennais à la veille de leur départ pour Rome. Il connut Lamartine et Sainte-Beuve. Il s’imprégna de cette atmosphère enfiévrée où les idées les plus contradictoires se rencontraient, prêtes à la discussion, avides de lutte. L’éloquence était le produit naturel de cette société troublée : c’est l’époque des grands cours où se pressait tout le public lettré. La parole de quelques maîtres fameux avait, surtout auprès des jeunes gens, un retentissement énorme ; ces maitres étaient, pour la plupart, des héritiers de la pensée du XVIIIe siècle : allait-on laisser la jeunesse catholique sans orateurs et sans guides ? Ozanam, qui faisait partie de cette jeunesse, qui en était l’un des chefs, sentit le danger et voulut le conjurer. On sait tout ce que peut faire l’initiative d’un seul. C’est à la demande d’Ozanam que s’ouvrent les conférences de l’abbé Gerbet. C’est Ozanam qui présente à Mgr de Quélen une pétition tendant à l’établissement de conférences à Notre-Dame. Il est à peine besoin de rappeler quels devaient être le succès et l’éclat de cette nouveauté. Ozanam le constate avec une joie où n’entre aucune vanité personnelle, mais seulement la certitude d’un service rendu aux idées qui sont les siennes. « Le grand rendez-vous des jeunes gens catholiques et non catholiques, cette année, a été à Notre-Dame. Tu as sans doute entendu parler des conférences de l’abbé Lacordaire. Elles n’ont eu qu’un défaut : d’être trop peu nombreuses. Il en a fait huit, au milieu d’un auditoire de près de six mille hommes, sans compter les femmes... La