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« Je n’ai pas remis votre lettre à Mme de Châtelus, vous avez trouvé une manière de me la rendre infiniment chère en la choisissant pour victime ; vous devez sentir que par là même vous m’avez attachée à elle pour la vie… »


IV

Ce fut le 5 avril 1791 que la Duchesse partit pour Eu, non précipitamment, comme on le crut, mais sous l’effet d’une décision réfléchie. Elle avait perdu sa dernière espérance en la justice et la bonté naturelle de Philippe. Ne lui signifiait-il pas « qu’il ne pouvoit plus être avec elle comme par le passé…, » ce passé heureux où ils regardaient l’avenir penchés sur des berceaux. Une femme, ou plutôt un froid et inexorable calcul s’était interposé, et le rêve s’évanouit.

Marie-Adélaïde déçue, meurtrie, rentre dans la demeure paternelle assombrie, elle aussi, par de tristes visions.

En recevant sa fille, le Duc de Penthièvre qui, jusqu’alors, n’était pas intervenu dans ses démêlés conjugaux, crut devoir écrire à son gendre :

« … Vous scavés que je n’ai jamais voulu me mesler des détails de vostre famille, ces objets ne me regardant point, mais vous n’avés pas pu douter que je ne fusse peiné de la forme de l’éducation de Messieurs vos enfans, je crains beaucoup que celle projettée dans le moment actuel n’ait des inconvéniens nouveaux ; il seroit bien naturel et bien dans l’ordre, qu’une fille fût confiée à sa mère. Madame d’Orléans a toujours eu pour vous, Monsieur, l’attachement le plus tendre, le plus grand empressement de vous plaire, et n’a vécu que pour vous et ses enfans. Combien seroit-il affreux que vostre union réciproque éprouvast altération ! J’ose me flatter d’estre à l’abri d’une telle catastrophe ; si malheureusement elle venoit à intervenir contre toute vraisemblance, vous me blâmeriés de ne pas offrir à ma fille les ressources et les consolations qu’elle doist attendre de la part de son père. Je vous demande, Monsieur, de ne me pas refuser la justice d’estre persuadé du véritable et sincère attachement que j’aurai toute ma vie pour vous.

« L.-J.-M. DE BOURBON. »

À la ville d’Eu, le 9 avril 1791.