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le papier que j’ai lu à Mme de Sillery étoit même plus modéré que ce que je vous avois dit ; ce qui prouve ma bonne foi, c’est de l’avoir écrit, car j’aurois pu forcer Mme de Sillery à ce qui est arrivé avec des formes différentes, mais j’ai mieux aimé, me méfiant de ma vivacité, et voulant vous raporter ce que je lui avois dit, le mettre par écrit (la réflexion m’avoit d’ailleurs fait ajouter des choses mieux pour elle, et que la manière dont j’ai été reçue, tout en entrant dans sa chambre, m’auroit dispensée d’avoir, si je n’y étois pas décidée pour vous). J’étois de si bonne foi, je vous le répète, que je vous l’aurois montré avant d’aller à Bellechasse, si vous aviez été à Paris ; je trouvois et je trouve encore que, dans la position où vous m’aviez mise forcément, je ne pouvois pas parler mieux à Mme de Sillery ; ce que j’éprouvois ne me laissoit concevoir de repos qu’en m’en séparant. Si Mme de Sillery avoit été honneste, elle m’auroit répondu qu’elle ne vouloit pas estre un sujet de désunion et de malheurs pour moi, qu’elle me rendoit mes enfans, qu’elle prendroit tous les moyens pour que ma fille ne se doutât pas de cette séparation, pour qu’elle ne vous donnât pas d’humeur, qu’au moment de nous quitter, elle me demandoit de l’entendre, elle m’auroit dit et lu tout ce que vous m’aviez dit qu’elle avoit préparé, et si, par impossible, elle avoit détruit des faits, si elle m’avoit ramenée, tout auroit été dit et j’aurois été à ses pieds. J’avois commencé par lui dire que j’entendrois tout ce qu’elle pouvoit avoir à me dire. Au lieu de cela, elle s’est mise en fureur, a prétendu qu’elle savoit de vous que je disois que je n’avois jamais eu d’amitié pour elle. Son ton est devenu moqueur et a fini par estre extrêmement malhoneste. Mme de Sillery m’a forcée, par une conduite différente, à revenir sur l’opinion que j’avois d’elle à certains égards, elle pouvoit se montrer généreuse et me prouver ce qu’elle avoit dit souvent que mon sort l’intéressoit, mais elle s’est livrée à une conduite bien différente et s’écartant absolument des principes qu’elle s’est toujours piquée d’avoir. Rappelez-vous, ami, que lorsque je vous ai dit que j’aimois mieux n’avoir pas d’explications, souffrir en silence et attendre tout du temps, vous me répondîtes que cela ne se pouvoit plus, que vous aimiez mieux tout à présent, qu’il n’étoit pas dans votre caractère d’estre pour moi comme vous l’estiez, que c’étoit contre votre sentiment, mais que vous y étiez forcé, que vous ne pouviez plus supporter d’estre accusé