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radical « imprégné de certitudes, bourré de jugemens tout faits, pédant, catégorique, perpétuellement en chaire. » Maximilien Romanèche est un frère puîné de Bouteiller et de Monneron. Dans l’Indocile encore, Rod a mis en scène trois jeunes gens d’aujourd’hui, trois camarades de collège qui, à peine entrés dans la vie réelle, ont pris chacun une direction morale différente. Le premier, Claude Brévent, est devenu l’un des membres les plus actifs du Sillon. Un autre, Urbain Lourtier, membre de l’École française de Rome, anticlérical et socialiste, sera sans doute quelque jour, aux côtés de Romanèche, l’un des coryphées du Bloc. Un troisième enfin, Valentin Délémont, esprit inquiet et curieux, incapable d’accepter une discipline extérieure, — c’est pourquoi le romancier l’a baptisé du nom, un peu impropre, de « l’Indocile, » — celui-là est nourri des théoriciens et des prophètes de l’individualisme et de l’anarchie, et il éprouve, à l’égard de tous les groupemens, de toutes les autorités, une antipathie, une répulsion invincibles. Le fond du roman, c’est l’opposition de ces trois types, et des trois conceptions de la vie qu’ils représentent ; et cette opposition, l’écrivain a su la marquer en traits si vigoureux et si vivans, que d’un simple roman d’idées il a réussi à faire un dramatique roman de passion.

Si objective que soit la peinture, elle laisse pourtant percer les préférences personnelles et les antipathies du peintre ; et dans l’auteur, nous avons la joie de découvrir l’homme. À propos du livre de M. Paul Seippel sur les Deux Frances, Édouard Rod écrivait : « J’observe avec un ardent intérêt le jeu des partis qui s’entre-déchirent (dans la France contemporaine). Je n’ai pas la prétention de tenir entre eux la balance impartiale : l’impartialité est une chimère quand il s’agit de tels mouvemens, d’intérêts si généraux. Je tâche du moins d’être équitable, puisque ces deux partis extrêmes, tout malfaisans qu’ils soient à cette heure, ont cependant leur raison d’être et leur sens. Et malgré tant d’apparences angoissantes, il me reste la robuste confiance que quelque chose que nous ne pouvons prévoir, viendra réunir à nouveau ces forces, qui menacent de s’entre-détruire, et dont l’union rendrait au pays la grandeur qui fait de son histoire la plus universelle et la plus humaine qu’il soit[1]. » Ces dispositions d’esprit se retrouvent dans l’Indocile. Évidemment,

  1. Journal de Genève du 13 novembre 1905 (non recueilli en volume).