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dans une résistance inutile et dangereuse ?... Peut-être la fin de Patritius, — qui était proche, — fut-elle aussi édifiante que la souhaitait Monique. En tout cas, ce n’était pas lui, qui, à ce moment-là, aurait modéré Augustin dans ses plaisirs : il ne songeait qu’à la fortune future du jeune homme. Monique seule pouvait avoir sur lui quelque influence, et elle-même était fascinée par son avenir profane. Peut-être se disait-elle, pour rassurer sa conscience, que ces études frivoles serviraient indirectement à son fils, en le ramenant à Dieu, qu’un jour viendrait où le rhéteur célèbre se ferait l’avocat du Christ ?...

Si scandalisée qu’elle fût de sa conduite, il parait bien, cependant, qu’elle commença alors à se rapprocher de lui, à s’occuper de cet enfant comme de son préféré. L’union complète de la mère et du fils ne s’affirmera que beaucoup plus tard. Trop de vieilles coutumes empêchaient encore, dans une famille, l’intimité étroite entre les hommes et les femmes. Et cette intimité, il ne siérait guère de nous la représenter d’après celle qui peut exister entre une mère et un fils d’aujourd’hui. Rien des gâteries, des indulgences, des faiblesses coupables qui amollissent la tendresse maternelle et qui la rendent nuisible à l’énergie d’un caractère viril. Monique était austère et quelque peu rude. Si elle s’abandonnait, c’était uniquement devant Dieu. Pourtant, il est bien certain que, dans le fond de son cœur, elle aimait Augustin, non pas seulement comme un futur membre du Christ, mais humainement, comme une femme sevrée d’amour dans un mariage mal assorti peut aimer son enfant. Froissée par la brutalité des mœurs païennes, elle reportait sur cette jeune tête toute son affection inemployée : elle aimait en Augustin l’être qu’elle aurait voulu pouvoir aimer en son mari.

Bien des considérations personnelles se mêlaient sans doute au sentiment profond et désintéressé qu’elle avait pour lui : elle cherchait instinctivement auprès du fils un appui contre les violences du père. Elle devinait qu’il serait le soutien de sa vieillesse, et puis enfin elle pressentait obscurément ce qu’il serait un jour. Tout cela contribuait à préparer l’entente, la conspiration de plus en plus fervente d’Augustin et de Monique. Et ainsi l’un et l’autre nous apparaissent dès cette époque tels qu’ils apparaîtront à la postérité : comme les prototypes du Fils et de la Mère Chrétienne. Grâce à eux, la dure loi antique s’est