Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 14.djvu/510

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou les chasseurs de l’amphithéâtre, comme les jeunes Espagnols d’aujourd’hui singent les toreros.

Au milieu de ces plaisirs, Augustin tomba malade : il avait la lièvre, ressentait de violentes douleurs d’estomac. On crut qu’il allait mourir. Il parait que lui-même, en cette extrémité, réclama le baptême. Monique s’empressait déjà pour lui faire administrer le sacrement, lorsque, subitement, contrairement à toute attente, l’enfant se rétablit. Le baptême fut de nouveau différé, toujours pour la même raison : diminuer la gravité des fautes que le jeune Augustin ne manquerait pas de commettre. Sa mère, qui les prévoyait sans doute, s’inclina encore une fois devant la coutume.

L’autorité de Patritius s’affirma peut-être, cette fois-là, d’une façon plus tranchante. Le catholicisme, à cette époque, était en mauvaise posture. Le court règne de Julien venait d’inaugurer une turbulente réaction païenne. Partout on rouvrait les temples, on recommençait les sacrifices. D’autre part, les donatistes soutenaient secrètement les païens. Leurs séides plus ou moins avoués, les Circoncellions, bandes de paysans fanatiques, rôdaient par tout le pays numide, attaquant les catholiques, pillant, incendiant leurs fermes et leurs villas. Le moment était-il bien choisi pour une éclatante profession de foi catholique, pour s’inscrire dans les rangs du parti vaincu ?

Le petit Augustin ignorait tous ces calculs de la prudence maternelle et de la diplomatie paternelle : il réclama le baptême, nous dit-il. Cela nous parait étonnant chez un enfant si jeune. Mais il vivait dans une maison dont toute la domesticité était chrétienne. Il entendait les discours des amies de Monique, peut-être aussi de ses grands-parens, qui étaient des catholiques austères et fidèles. Enfin son âme était naturellement religieuse. Tout s’explique par là : il demanda le baptême pour faire comme les grandes personnes, et parce qu’il était prédestiné. Les enfans élus ont de ces brusques illuminations. Ils pressentent, à de certains momens, ce qu’ils seront un jour. En tout cas, Monique dut voir ce signe avec joie.

Il guérit, reprit sa vie d’enfant, partagée entre le jeu, le vagabondage et l’école.

L’école ! triste souvenir pour Augustin ! On l’envoyait chez le primus magister, le maitre primaire, véritable croquemitaine, armé d’une longue gaule, qui s’abattait, impitoyable, sur