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mémoire le verset de l’Evangile : « Sinite ad me parvulos venire, laissez venir à moi les petits enfans. » Mais il l’interprète dans un sens très étroit, il le tourne en argument favorable à sa dispute. Pour lui, la petite taille des enfans est symbolique de l’humilité sans laquelle on n’entre point dans le Royaume du Père. Le Maître, selon lui, n’a point prétendu nous offrir les enfans en exemple. Ils ne sont que chair de péché. Il a seulement tiré de leur petitesse une de ces similitudes où sa pensée, amie des symboles, se complaît. Osons le dire : Augustin s’égare, ici. Telle est la rançon de la pensée humaine, qui, dans ses plus justes affirmations, blesse toujours quelque vérité moins apparente, ou mutile quelque sentiment délicat. Au fond, Augustin a raison. L’enfant est mauvais comme l’homme. Nous le savons. Mais, à la rigueur du théologien nous opposons la divine mansuétude du Christ : « Laissez venir à moi les petits enfans : le royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent. »


IV. — LES PREMIERS JEUX

« Je n’aimais qu’à jouer, » nous dit Augustin, en nous racontant ces lointaines années.

Quoi d’étonnant, si cette facile et souple intelligence, qui pénétra sans effort et comme d’instinct la science encyclopédique de son temps, qui se trouvait à l’aise au milieu des abstractions les plus ardues, a d’abord conçu la vie comme un jeu ?

Les amusemens des petits Africains d’aujourd’hui ne sont ni très nombreux, ni très variés. Ils n’ont pas l’imagination inventive. Leurs camarades français leur ont, en cela, beaucoup appris. S’ils jouent aux billes, à la marelle, aux barres, c’est à l’imitation des Roumis. Et pourtant, ils sont extrêmement joueurs. Les jeux de hasard surtout les attirent. Ils y passent des heures entières, couchés à plat ventre dans un coin d’ombre, et ils y apportent une intensité de passion extraordinaire. Toute leur attention y est absorbée ; ils y déploient les ruses de leur esprit précocement délié, si vite enlizé dans la matière.

Augustin, se remémorant les jeux de son enfance, ne nous parle que de noix, de balles et d’oiseaux. Captiver un oiseau, cette chose légère, ailée et brillante, c’est l’envie de tous les enfans dans tous les pays du monde. Mais en Afrique, où les