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C’était là une coutume de l’Église d’Afrique. On reculait le plus possible le baptême, dans la conviction que les péchés commis après le sacrement étaient beaucoup plus graves que ceux commis avant. Gens positifs, les Africains prévoyaient bien qu’ils pécheraient encore, même après le baptême, mais ils entendaient pécher au meilleur compte et diminuer les frais de la pénitence. Cette pénitence, au temps d’Augustin, était loin d’être aussi sévère qu’au siècle précédent. Néanmoins, le souvenir des rigueurs anciennes persistait toujours, et l’habitude était prise de différer le baptême, pour ne pas trop décourager les pécheurs.

Fidèle observatrice des coutumes de son pays et des traditions de son Église, Monique se conforma donc à l’usage. Peut-être eut-elle à lutter aussi contre l’opposition de son mari, qui, resté païen, ne voulait pas donner trop de gages aux chrétiens, ni se compromettre aux yeux de ses coreligionnaires par cet excès de zèle chrétien, qui consistait à faire baptiser un enfant, contrairement à la coutume. Un moyen terme s’offrait : c’était d’inscrire le nouveau-né parmi les catéchumènes. Selon le rite de la première initiation, le signe de la croix fut tracé sur le front d’Augustin, et le sel symbolique déposé sur ses lèvres. Ainsi, on ne le baptisa point. Peut-être s’en est-il ressenti toute sa vie. La pudeur baptismale lui manqua. Devenu évêque, il ne dépouillera jamais complètement le vieil homme, qui avait trempé dans toutes les impuretés païennes. Certaines de ses paroles ont une crudité blessante pour les oreilles chastes. L’influence du milieu africain n’explique pas tout. Il est trop manifeste que le fils de Patritius ne connut point la complète virginité de l’âme.

On lui donna les noms d’Aurelius Augustinus. Le premier était-il son nom de famille ? Nous l’ignorons. Les Africains n’ont jamais appliqué que d’une façon très fantaisiste les règles de l’onomastique romaine. En tout cas, ce nom était fort répandu en Afrique. L’évêque de Carthage, primat de la province et ami d’Augustin, s’appelait, lui aussi, Aurelius. De pieux commentateurs ont voulu y lire comme un présage de sa gloire future d’orateur. Ils ont remarqué que le mot aurum, or, est contenu dans Aurelius : allusion prophétique à la bouche d’or du grand prédicateur d’Hippone.

En attendant, c’était un nourrisson comme tous les autres,