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celle d’Hippone à Théveste, celle de Carthage à Calama et à Constantine. Le petit Augustin put y admirer, avec les enfans de son âge, les courriers et les équipages de la poste impériale qui stationnaient devant les auberges de la ville. Ce qui parait certain, c’est que Thagaste, en ce temps-là, comme aujourd’hui, était un lieu de transit et de trafic, station intermédiaire pour les villes du Sud et les villes maritimes, comme pour celles de la Proconsulaire et de la Numidie. De même que la Souk-Ahras actuelle, Thagaste devait être, avant tout, un marché. Les céréales et les vins numides s’y échangeaient contre les troupeaux de l’Aurès, les cuirs, les dattes, les sparteries des régions sahariennes. Les marbres de Simitthu, les bois de citronniers, dont on faisait des tables précieuses, passaient sans doute par là. Les forêts voisines pouvaient fournir des matériaux de construction à tout le pays. Thagaste était l’emporium de la Numidie forestière, l’entrepôt et le bazar, où le nomade vient encore s’approvisionner, où il contemple, avec un ravissement enfantin, les merveilles dues à l’esprit inventif des artisans des villes.

Des images d’abondance et de joie entourèrent donc le berceau d’Augustin. Le sourire de la beauté latine l’accueillit aussi dès ses premiers pas. Certes, Thagaste n’était point ce qui s’appelle une belle ville. Les débris antiques qu’on y a découverts sont d’une facture plutôt médiocre. Mais il faut si peu de chose pour donner l’essor à une imagination d’enfant bien doué ! En tout cas, Thagaste avait des thermes pavés de mosaïques et peut-être décorés de statues : Augustin s’y baignait avec son père. Et il est probable encore qu’à l’exemple de sa voisine Thubursicum et des autres municipes de même rang, elle avait son théâtre, son forum, ses nymphées, peut-être même son amphithéâtre. On n’a rien retrouvé de tout cela. Quelques stèles, des chapiteaux, des fûts de colonnes, une pierre avec une inscription, qui appartint à une église catholique, — voilà tout ce qui subsiste, du moins jusqu’aujourd’hui.

Ne demandons pas l’impossible. Thagaste possédait des colonnes, peut-être toute une rue bordée d’une double colonnade, comme à Thimgad. Cela suffit pour enchanter les yeux d’un petit garçon Imaginatif. Une colonne même mutilée, même à peine dégrossie, conserve une noblesse. C’est comme une libre mélodie qui chante parmi les lourdes masses de la bâtisse. Maintenant encore, dans nos villages algériens, la seule vue