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PREMIERE PARTIE

LES ENFANCES


Sed delectabat ludere.
Je n’aimais qu’à jouer.
( Confessions, I. IV).


I. — UN MUNICIPE AFRICAIN

De petites rues toutes blanches, qui montent vers des buttes argileuses, profondément ravinées par les pluies torrentielles de l’hiver ; entre la double file des maisons, éblouissantes au soleil matinal, des échappées de ciel d’un bleu très doux ; et, çà et là, dans la frange d’ombre épaisse qui borde les seuils, des formes blanches accroupies sur des nattes, des silhouettes indolentes, drapées de couleurs claires, ou engoncées dans des lainages sombres et bourrus ; un cavalier qui passe, à demi plié sur sa selle, le grand chapeau du Sud rejeté derrière les épaules, et pressant du talon l’amble élégant de sa monture, — telle nous voyons, aujourd’hui, Thagaste, telle elle apparaissait sans doute au voyageur, du temps d’Augustin.

Comme la ville française bâtie sur ses ruines, le municipe africain occupait une sorte de plateau resserré entre trois mamelons. L’un d’eux, le plus élevé, qui est encore défendu par un bordj, devait l’être, dans l’antiquité, par un castellum. Des eaux abondantes arrosent le sol. Quand on arrive des régions pierreuses de Constantine et de Sétif, ou de la grande plaine dénudée de la Medjerda, Thagaste donne une impression de fraîcheur. Le lieu est riant, plein de verdures et d’eaux vives. Aux Africains, il offre une image des pays du Nord qu’ils ne connaissent pas, avec ses montagnes boisées, couvertes de pins, de chênes-liège et de chênes zéens. L’aspect est celui d’une contrée montagneuse et forestière, — forestière surtout. C’est un pays de chasseurs. Le gibier y foisonne : les sangliers, les lièvres, les