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plus d’une manière aussi péremptoire pour que Scutari appartint au Monténégro, tandis que l’Autriche continuait de se montrer irréductible sur le maintien de Scutari à l’Albanie dont il est la capitale. Une transaction s’était, dit-on, produite entre les deux gouvernemens, grâce à l’attribution de certains territoires à la Serbie. S’il en est ainsi, l’intention conciliante est évidente entre les deux pays, et nous espérons qu’elle portera ses fruits.

Qu’arrivera-t-il pourtant si les Monténégrins prennent Scutari ? Tous les projets convenus pourraient bien, alors, être remis en question. Nous ne savons pas, à vrai dire, où en est le siège de Scutari, ni si les Monténégrins sont sur le point, ou non, de s’emparer de la ville. On a dit si souvent que le fait ne pouvait manquer de se produire dans un bref délai, sans que rien de tel soit arrivé, que nous ne savons plus ce qu’il faut en croire : mais pourquoi Scutari ne succomberait-il pas, et aussi Andrinople, puisque Janina vient de le faire? Les trois villes opposaient la même résistance aux alliés balkaniques : l’analogie de leur situation permet de croire qu’elles auront finalement le même sort, et elles l’auront à coup sûr, si elles ne sont pas ravitaillées par des moyens inconnus. Quoi qu’il en soit, les Grecs méritent d’être félicités ; ils ont eu beaucoup de bonheurs dans cette guerre et on n’en a pas de si nombreux et de si persévérans, sans les avoir mérités. Les progrès qu’a faits leur armée sont éclatans. Ils ont profité avec adresse de toutes les occasions qui se sont offertes à eux et, quand il a fallu se battre, ils l’ont fait vaillamment. Janina ne s’est rendu que lorsque la résistance est devenue tout à fait impossible : il en sera de même un jour pour Andrinople et Scutari. Nous ne sommes pas à même de dire quand arrivera le dénouement, mais il est fatal, et le gouvernement ottoman semble commencer à s’en rendre compte. Il aura prolongé la résistance aussi loin que l’honneur le commandait : que peut-il faire de plus ? La seconde partie de la guerre, celle qui dure encore, a tourné moralement à son avantage; on le croyait à bout de ressources et il en a montré d’inattendues ; si on fait abstraction de Janina, les alliés n’ont fait sur aucun point un pas décisif. Le mauvais temps rendait, il est vrai, toutes les manœuvres difficiles, sinon impossibles. L’hiver, qui a été si doux dans nos régions occidentales, a été très dur dans les Balkans; les campagnes étaient couvertes d’une couche épaisse de neige; les armées étaient immobilisées. On dit que le temps s’améliore et que les opérations militaires pourront bientôt recommencer: il ne semble pas, toutefois, qu’elles doivent le faire avec beaucoup d’intensité, les armées alliées étant