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dire par les aventures de ces derniers mois. Cela explique les armemens de l’Allemagne : un peu désordonnés sans doute, ils ne sont pas plus une fantaisie que ne l’a été la mobilisation de l’Autriche; on aurait tort de n’y voir qu’une pensée ambitieuse alors qu’il n’y a peut-être qu’une pensée de conservation. Malheureusement, les intérêts humains sont enchevêtrés étroitement les uns dans les autres ; ils influent les uns sur les autres ; ils sont inséparables les uns des autres. La mobilisation autrichienne a amené celle de la Russie et il ne pouvait pas en être autrement; les armemens de l’Allemagne ont amené les nôtres, et il ne peut pas non plus en être autrement; et pendant que nous armons ou que nous nous apprêtons à le faire, nous regardons du côté de la Russie; et la Russie regarde du côté de la France; et nous échangeons avec elle des paroles de plus en plus amicales, de plus en plus affectueuses même. Tout cela est dans l’ordre. Qu’en sortira-t-il avec le temps ? Dieu le sait. Les hommes ne peuvent que prendre, suivant les circonstances, des dispositions provisoires et changeantes en vue de solutions dont le secret final leur échappe. Le seul point dont ils soient bien sûrs est qu’ils doivent être prêts à tout.


Non pas que la situation générale de l’Europe présente un danger immédiat; au contraire, elle semble s’être un peu détendue en Orient; elle ne l’a pas fait toutefois autant ou aussi vite qu’on l’espérait il y a quelques jours. La nouvelle du désarmement simultané de l’Autriche et de la Russie sur la frontière de Galicie s’était répandue et avait été accueillie avec une vive satisfaction. Le désarmement n’était que partiel et, au total, pas très considérable, mais il était un commencement et, après la déception qu’on avait éprouvée en voyant que la lettre de l’empereur d’Autriche à l’empereur de Russie, lettre apportée solennellement à Saint-Pétersbourg par le prince Hohenlohe, n’avait été suivie d’aucun effet apparent, on s’était repris à espérer. On n’y renonce pas, on continue de croire que la démobilisation annoncée aura lieu, mais elle est ajournée pour des motifs qui ne sont pas bien connus, et cet ajournement cause à son tour quelque déception. Avec de très bonnes intentions, on a en Autriche plus de velléités que de volontés. La politique un peu hésitante et flottante qu’on y suit laisse l’Europe incertaine. Il semble bien, pourtant, que les vues échangées dans ces derniers temps entre Vienne et Saint-Pétersbourg aient amené un rapprochement sur quelques-uns des points où le conflit était apparu naguère le plus inquiétant. On a dit que la Russie n’insistait