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A toutes les réclamations comme à toutes les plaintes des infortunés prisonniers, les Cosaques répondaient invariablement : « Tant pis pour vous ! Pourquoi êtes-vous venus en Russie avec ce brigand de Napoléon ? » Mais à chaque instant, parmi ces sombres peintures, surgissent devant nous des exemples merveilleux de compassion chrétienne, soit que l’un des officiers de l’escorte s’efforce de secourir en cachette les prisonniers qu’il insulte et rudoie en présence de ses camarades, ou bien qu’un soldat, au risque d’être gravement puni, s’approche de l’un d’eux et lui glisse dans la main une moitié de sa propre ration. D’un bout à l’autre, d’ailleurs, le livre de M. Holzhausen est ainsi semé d’épisodes touchans, ou encore de menus traits historiques imprévus et curieux. Croirait-on que, le 15 août 1813, des centaines de prisonniers allemands, déportés dans les provinces orientales de l’immense empire, se sont unis de plein cœur à leurs compagnons français pour fêter l’anniversaire de la naissance de Napoléon ? « Dans notre prison de Tchernigof, raconte le sous-officier bavarois Joseph Schrafel, nous avons acclamé bruyamment le grand chef d’armée ; et peu s’en faut même que notre accès d’enthousiasme ne nous ait coûté cher ! »


T. DE WYZEWA.