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de figures que les témoignages recueillis par M. Holzhausen nous font apparaître dans la lumière la plus sympathique. Mais au contraire, d’autres généraux français sont jugés par les narrateurs allemands avec une sévérité à peu près unanime ; et je crains bien que la renommée de Sebastiani, en particulier, ou encore de Victor,. — pour ne point parler du malheureux Junot, déjà cruellement atteint et diminué par la maladie, — n’ait à souffrir plus ou moins gravement des accusations portées contre ces chefs par les officiers allemands placés sous leurs ordres. Quant aux généraux allemands de la Grande Armée, je n’en aperçois aucun qui ne semble avoir continué, jusqu’au bout de la campagne, à être respectueusement aimé et admiré de ses compatriotes. Sans cesse nous apprenons que tel ou tel chef bavarois ou wurtembergeois, dont le nom nous était inconnu jusqu’ici, a déployé un talent militaire de premier ordre ; et il n’y a pas jusqu’au terrible général de Wrede dont les rigueurs ne soient excusées, ou même glorifiées, par ses compatriotes, comme l’effet d’un noble souci d’ordre et de discipline. Nous devinons que ces pauvres gens, à mesure que s’affirmait plus manifestement le désastre, s’attachaient plus fidèlement à leurs généraux, en vertu des sentimens de rivalité nationale que nous décrivait tout à l’heure l’un d’entre eux. Ils désiraient que, du moins, leur honneur de Prussiens ou de Bavarois ne demeurât pas trop au-dessous de celui de leurs compagnons français : et de là ces éloges enthousiastes prodigués à leurs chefs, — dont quelques-uns, d’ailleurs, paraissent avoir été vraiment des hommes de valeur.


Dans l’ensemble de la peinture qu’il nous fait de la catastrophe de 1812, comme je l’ai dit, M. Holzhausen s’est soigneusement efforcé d’éviter toute exagération ; et, à ce point de vue encore, il se pourrait, que son livre eût pour nous une précieuse portée, en nous aidant à mieux discerner les traits authentiques de tout ce qui s’y est mêlé d’additions légendaires. Mais peut-être aussi, d’autre part, les sources où puisait l’érudit allemand l’ont-elles mis à même de reconstituer avec plus de relief que la plupart de ses devanciers quelques-uns des aspects les plus affreux de la tragique retraite de la Grande Armée. Car on n’ignore pas que cette armée était si « grande, » tout au moins pendant les premières étapes de la retraite, que ses diverses parties ont eu plus d’une fois à subir des destinées différentes, suivant qu’elles occupaient la tête, ou le centre, ou bien la queue du cortège. Or, c’était presque toujours à la queue, très loin derrière la garde impériale