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difficiles, il aspire à devenir libertin : il se sent pousser des talons rouges... Tout cela joyeux, innocent, plantureux, sans prétention, ponctué de « savez-vous » et relevé d’accent belge, a beaucoup amusé.

La troupe, venue presque tout entière de Belgique, est excellente. Au premier rang, M. Jacques, d’un comique irrésistible, où se mêle au naturel une fantaisie un peu épaisse. Mlle Delmar est une Claire Frénois très gracieuse. Notre compatriote M. Duquesne n’est ni le moins bon, ni le moins belge dans cet ensemble éminemment belge.


Les pères, depuis quelque temps, n’ont pas de chance avec leurs fils. Ils ont beau leur donner les meilleurs exemples et une éducation soignée, ces jeunes gens tournent mal et surtout se tournent contre leurs pères. Ils sont encouragés dans la révolte par madame leur mère qui sourit à leurs insolences, à leurs violences, à leurs trahisons et à leurs crimes, ainsi qu’à de charmantes espiègleries. Cela fait de jolies familles. Le père est-il un ardent patriote, comme dans la pièce de M, Lavedan, et a-t-il fait de son fils un officier, cet officier ne manquera pas d’être antimilitariste. Ou bien le père est-il un homme d’État conservateur, qui a consacré toute sa vie à la défense de l’ordre, ne doutez pas qu’il ne rencontre devant lui son fils, au premier rang des révolutionnaires. Cela n’engage pas à repeupler.

C’est une situation de ce genre que M. André Fernet a traitée dans la Maison divisée. Et il ne nous accordera pas facilement que ce soit une situation nouvelle, puisque ce fut, il y a très longtemps, celle de Brutus et de ses fils. Les maisons divisées, nous dirait-il bien plutôt, sont de toutes les époques et de tous les pays. Le spectacle est affligeant, mais logique. D’une génération à l’autre, il faut que les idées s’opposent ; c’est la loi d’équilibre, que les anciens avaient divinisée sous le nom de Némésis. Comme les enfans ont généralement horreur de la profession paternelle, dont ils n’ont vu que les difficultés et les déboires, de même l’instinct de contradiction les met en garde contre les idées de leurs parens. Cette mésintelligence est universelle. Par bonheur, la plupart des hommes sont médiocres et leurs passions n’ont pas occasion de se développer dans toute leur beauté. C’est pourquoi les pères ne sont pas tous obligés de faire exécuter leurs fils ou les fils de faire assassiner leurs pères. Cela est consolant...

La pièce a pour cadre un de ces royaumes de fantaisie, qu’on aurait situés dans les Balkans, il y a quelques années, à l’époque où les États balkaniques n’avaient pas encore affirmé leur identité à coups de canon. Le comte de Berg est le chancelier à poigne d’un petit roi de