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Et voici un autre témoignage de date plus récente, — du 15 septembre 1900 :

« Les livres ont leur optique... Quand le livre dont tu parles a paru... on criait au scandale et au sacrilège. L’auteur a été traité de cosmopolite et sans-patrie. Il en a souffert beaucoup, et il lui a fallu plusieurs années d’enseignement, d’écrits, pour se remettre au point et donner à son ouvrage et le cadre et le recul... C’était de la politique pure, des faits, — et il y avait aussi dans tout le livre, préface, conclusion, entre toutes les lignes, un vœu, un effort de reprise de nous-mêmes,— qu’on a bien voulu y voir plus tard et qui fait que le livre a mérité de surnager. »

Cette œuvre, qui lui créa de violentes inimitiés, lui valut aussi de précieux amis. Elle ne l’empêcha point assurément d’occuper un poste de confiance au ministère des Affaires étrangères. En 1873, il avait reçu l’offre d’y reprendre du service, en qualité de rédacteur ; il avait refusé. Le duc Decazes l’attacha a son cabinet avec le titre de secrétaire particulier. Albert Sorel garda cette fonction jusqu’en mars 1876 ; alors le duc d’Audiffret-Pasquier l’agréa en qualité de secrétaire général de la Présidence du Sénat.

Je n’ai pas a raconter ici la part que prit mon père aux travaux diplomatiques, pas plus que je n’ai à m’étendre sur celle qu’il eut aux délibérations du Sénat : il demanda sa retraite en 1902. De l’aveu même de Sorel, la Guerre franco-allemande l’avait déterminé à écrire « l’Histoire nationale. » Il suffit.

Cette histoire nationale remplira trente années de sa vie. Ses recherches, commencées dès 1874, furent fréquemment interrompues : c’est la collaboration avec Frunck-Bruntano, pour le Traité du Droit des Gens qui arrête ses fouilles aux archives, ce sont ces articles au Temps qui suspendent ses idées, c’est, enfin La question d’Orient au XVIIIe siècle qui l’absorbe. Elle fut rédigée en 1877-1878, et l’auteur dut reconnaître, dans la suite, que ce volume « technique, » — ainsi qu’il le qualifiait, — avait exercé de l’influence. Le 27 octobre 1878, il en annonce l’apparition à Eynaud :

« Il (le livre) va bien tomber, car les affaires d’Orient sont un peu plus enchevêtrées et un peu plus près de la guerre qu’avant le fameux congrès. Je prends les choses d’un point de vue positif, qui était celui de tout le monde, il y a cent ans ;