Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 14.djvu/419

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« L’École est une méthode, — me manda-t-il quelques années plus tard, lorsque j’y pris mes inscriptions, — c’est aux élèves de compléter nos enseignemens par des lectures et un travail personnel. »

Il leur accordait du crédit, sans compter. L’orateur se renouvelait à leur contact ; ses élèves le rajeunissaient :

« Chère école ! m’écrivit-il en 1898, — elle commence à me sembler lourde. Il me semble que les lundis et les mercredis tombent les uns sur les autres plus vite et plus souvent qu’autrefois. Quand je suis en chaire, cela va... »

Albert Sorel y professait encore quelques semaines avant sa mort. Sa méthode s’était affirmée dès le premier jour, ainsi que le prouve ce fragment de lettre à Eynaud, du 18 janvier 1872 :

« Le sujet que je traite est l’histoire de l’Europe depuis les traités de Vienne. J’explique d’abord l’origine de ces traités et je pars des premières guerres de la Révolution : comment ces guerres sont devenues offensives, comment la Révolution a tout aussi peu innové de ce côté que de l’autre, comment elle a préparé Napoléon, comment la paix et la liberté n’ont été possibles que lorsque la Révolution a été ramenée à son point de départ : la monarchie constitutionnelle des Bourbons et la frontière de 1790. Cela avec tous les documens nouveaux, anglais et allemands, ne sera qu’esquissé cette année. Mais si l’École réussit, si je pousse ce travail, si je l’approfondis comme il convient, si je remonte aux traités de Westphalie, — il pourra sortir de là un livre... »

Il « bûche » la question d’Orient et l’histoire de (‘Allemagne l’attire de préférence : « C’est qu’elle n’a rien d’officiel, que les diplomates n’y ont rien compris et que rien ne ressemble moins à une besogne de chancellerie, » et, de son cours, il tire son volume sur les traités de 1815.

« Par l’effet de ma leçon sur les Cent-Jours, de celle d’hier sur le traité du 20 novembre 1815, — je vois que je dis du nouveau et que ce nouveau se fait écouter. Cela est plein de leçons pour le présent. Je sais que Germer-Baillière est disposé à publier la chose à ses frais... Je crois cela utile pour l’École et pour le public... Mais avec ma manie de conscience, ce petit travail me donnera de la peine et, comme il faudra continuer mon cours, mes lectures en souffriront et moi aussi. » (19 mars 72.)

Toutefois, l’élan l’emporte : il ne veut point « pasticher Sainte-Beuve,