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en France, public au profit de la Société internationale de secours aux blessés et dont la première partie seule a paru. L’un de ses anciens élèves des plus distingués, M. Maurice Escoffier, professeur à l’Ecole libre des Sciences politiques, publiera prochainement une bibliographie complète, qui nous révélera la part exacte, dans les limites où elle peut être connue, que prit son maître aux événemens d’alors.

Ses amis, cependant, admiraient sa verve, ses ripostes incisives, ses dons d’orateur : d’aucuns le jugeaient prédestiné à la politique. Sorel, bien que touché par ces témoignages, y découvre presque une offense involontaire, ainsi que nous l’expose cette note :


« 13 mars 1871. — Mes amis prétendent toujours que je dois avoir un avenir politique, que j’aurais tort d’y manquer : ils se trompent. Je n’insiste pas ; il y aurait là de la fausse modestie. Je devrais toujours me tenir effacé, je suis condamné à promettre plus que je ne pourrais tenir. Il y aurait de grandes désillusions pour tout le monde ; je dois chercher à servir mes amis, non à agir avec eux. Je serai un volontaire, jamais un général, pas même un lieutenant. C’est qu’ils prennent pour ma capacité politique une certaine plasticité d’esprit, un don de saisir et reproduire certains caractères : avec de l’honnêteté et une sincère critique de moi-même, je puis paraître politique, — en réalité, je ne fais que jouer un personnage tel que je me figure le bon politique : au fond je ne le suis pas. »

Il ne faudrait point croire que ce fût là une simple boutade : non pas. Toute sa vie, Albert Sorel garde cette même opinion. Je n’en veux pour témoignage que ces lignes lucides de M. Frédéric Masson, qui fut le camarade de sa jeunesse et l’ami de ses dernières années :

« C’est un trait particulier de la vie de M. Sorel qu’animé uniquement de passions généreuses, il côtoya constamment la politique, sans se mêler à aucune faction, qu’il... s’éleva au-dessus de leurs médiocres luttes pour ne regarder que les intérêts permanens de la patrie. »

Mon père lui-même, le 14 septembre 1901, me l’écrira en ces termes :

« De l’homme politique, je n’ai que le silence, la réserve et le geste muet. Je manque de tenailles, et précisément de ce