Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 14.djvu/412

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poussé qu’il fût à prendre une part directe à l’action, il se rend compte qu’il n’est pas né pour la politique.

« La confiance que me témoigna Chaudordy et le rôle de secrétaire particulier qu’il me donna, me lancèrent dans l’action comme je n’y avais jamais été. Ce fut pour moi une complète et décisive expérience. En mc-me temps que je retrouvais le calme dans ce travail, je sentais que j’allais pouvoir fixer mes opinions sur moi-même et faire la dernière épreuve... Je sentais que l’on tirait de moi tout le parti possible dans les circonstances données.

« Le métier que je faisais était uniquement un métier de journaliste et de polémiste-publiciste, comme on dit. Rien du diplomate et de l’homme d’Etat. Je cherchais des argumens, je traduisais des idées, je développais des thèses, — je n’inventais rien et je n’agissais pas. Je me trouvais, sous ce rapport, parfaitement impuissant. Dans les conversations quotidiennes et confidentielles avec Chaudordy, par la lecture des documens qu’il me mettait entre les mains très largement, — je pouvais m’éprouver. Je voyais les difficultés, clairement, en critique, — je ne trouvais pas une fois une solution, — je ne savais que l’exposer, après qu’un autre l’avait découverte, — en historien...

«... Je m’étais lié très intimement avec Philippe Delaroche et par suite avec Funck. Ce dernier fut un de ceux qui contribuèrent à me donner conscience de ce que je valais. »

Il insiste sur ce qu’il nommera, plus tard, son « incapacité politique » et il découvre des dons qu’il accuse nettement :

u Je sentais.se développer l’esprit critique, l’historien, — le diplomate, nullement. J’aurais eu de grands déboires, de cruelles déceptions, si j’avais eu de l’ambition de ce côté, — car comme en mathématiques et ailleurs, je n’aurais tenu, dans la pratique, rien de ce que je promettais. Mes lectures ne me portaient pas de ce côté, ni mes études. En revanche, je me perfectionnais ou plutôt débarbouillais un peu dans les lettres, — et cette facilité relative, l’habitude de la méthode, — faisait de moi dans ce milieu à la fois spirituel et médiocre une manière de phénix, malgré mon manque de fond. »

Il envoie des correspondances aux journaux étrangers, rédige des circulaires, écrit des pamphlets contre la Prus.se, qui paraissent en Angleterre, donne la préface au Recueil de documens sur les exactions, vols et cruautés des armées prussiennes