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LA VOCATION HISTORIQUE
D’ALBERT SOREL

Les fragmens des lettres, adressées par Albert Sorel à sa famille et à son ami Eynaud, pendant les années 1870-1871, publiées par la Revue des Deux Mondes, nous ont appris comment les événemens ont formé l’historien, alors secrétaire à la Délégation de Tours et de Bordeaux et déterminé sa vocation. Ainsi ce jeune diplomate, qui ne sortait d’aucune école, — il était tout juste licencié en droit, — passionné de musique et de roman, et qui, désappointé par ses insuccès littéraires, parlait, en 1869 de « se résigner à l’histoire ou à la philosophie, » fut empoigné par la tâche du relèvement national, devint professeur et consacra trente années de sa vie à son œuvre.

J’ai cru intéressant de compléter les textes qui avaient paru. Encore que je ne me dissimule pas la difficulté qu’il y a pour un fils de retracer l’évolution intellectuelle et morale de son père, il m’a semblé que je ne devais pas garder pour moi seul les documens qui sont entre mes mains et qui éclairent l’inspiration du livre, autant que la vie de l’homme.


« Si j’étais quelque chose, — note Albert Sorel dans un fragment de journal, qui date de 1864, — j’étais un embryon d’artiste ou de critique. ; Le reste était le moyen. »

Bien qu’il eût été, dès l’enfance, à la grande école de la bourgeoisie provinciale, qu’il eût grandi au milieu des traditions