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Si, lors de la première apparition de la vapeur, les officiers de vaisseau, comme on les appelait alors, avaient été réellement consciens de leur rôle et de leurs devoirs, le problème épineux des mécaniciens n’aurait pas été posé. Dès le principe, les officiers de vaisseau auraient compris leur obligation de commander directement dans la machine, aussi bien que dans toute autre partie de leur bâtiment ; ils se seraient faits les initiateurs du progrès naissant ; ils auraient pressenti l’importance capitale du nouveau moteur et la nécessité de le prendre et de le maintenir sous leur direction exclusive.

Il n’en fut pas ainsi, peu d’officiers suivirent le brillant exemple de l’amiral Labrousse ; la méfiance des choses nouvelles, la crainte de s’y montrer inférieurs, les éloignèrent sans doute des études qu’ils auraient dû entamer et poursuivre. A cette époque, il était de bon ton de plaisanter la machine, l’huile et la graisse qui salissaient les ponts et empestaient les navires, on faisait la chasse aux « pieds noirs ! »

En fait, les mécaniciens ne constituèrent pas une spécialité similaire des autres dans l’organisation générale des Equipages de la Flotte. L’unité de commandement reçut une première atteinte ; un corps particulier d’officiers mécaniciens fut créé. Modeste d’abord, il grandit avec l’importance des machines ; ses grades se multiplièrent, si bien qu’il est dirigé aujourd’hui par des officiers généraux. La politique se mêla de l’affaire, les jalousies aigrirent les discussions ; les officiers nouveaux furent traités de « démocrates, » alors que les anciens passaient pour des « aristocrates. » A un certain moment, les relations réciproques furent très tendues, puis elles devinrent meilleures dans l’accoutumance des situations acquises. Il existe cependant encore une dualité sans objet réel, dualité onéreuse pour le budget et qui peut offrir de sérieuses complications dans l’avenir.

Tout d’abord, avant de discuter plus à fond cette situation spéciale, hâtons-nous de mettre au point la prétendue question politique. Elle ne peut et ne doit pas exister en semblable matière, où seuls doivent être envisagés les intérêts de la Marine et de l’État ! Le recrutement de tout corps militaire ne peut être que démocratique sous notre régime politique, et,