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pour modeste qu’elle doive être, est étroitement imposée aux chefs marins militaires. Un bâtiment de guerre, en effet, est, pour ainsi dire, un être vivant ; des organes de toutes espèces remplissent les fonctions nécessaires à sa vie artificielle. Pour que ces organes fonctionnent harmonieusement, ils doivent être dirigés par un esprit unique, celui du commandement. Il ne suffit pas de placer un commandant sur une passerelle, il ne suffit pas de lui entendre donner des ordres pour qu’un énorme cuirassé moderne se meuve et agisse instantanément suivant les circonstances ; il faut que, dans chacune des parties du bâtiment, un représentant de l’autorité, inspiré de son esprit et dégagé de toute préoccupation particulière, transmette et fasse exécuter les ordres reçus. Partout, pendant le combat, des hommes de toutes spécialités, de tous métiers, seront réunis ; chacun aura sa tâche individuelle prévue dans l’ordonnance générale, et, si rien d’anormal ne se produit, il l’accomplira suivant des indications préalables. Mais, si un accident survient, si d’autres dispositions urgentes doivent être décidées, tous ces hommes de spécialités, quels qu’ils soient, ces hommes incomplets, pour ainsi dire, sont désorientés et tournent instinctivement les yeux vers le représentant du commandement, vers l’homme d’instruction générale, en qui chacun reconnaît une compétence dans sa propre spécialité. L’agent d’initiative, d’autorité, l’homme de commandement, c’est l’officier de marine.

Un tel ordre, une telle méthode, une telle cohésion sont indispensables pour assurer une organisation efficace du combat.

Il ne faudrait pas conclure de cette définition que l’officier de marine n’est jamais spécialisé lui-même. A côté du combat, il y a la vie courante, la navigation, la charge, l’entretien, la mise en œuvre du matériel, l’instruction du personnel. Bien plus qu’autrefois, au contraire, l’officier de marine devra se spécialiser, il devra même accroître sa compétence dans sa spécialisation, parce que le matériel s’est compliqué et que son utilisation devient de jour en jour plus importante et plus délicate. Cette spécialisation devra cesser d’être fugitive, temporaire, l’officier y consacrera la plus grande partie de sa jeunesse ; il y acquerra, il y emploiera une valeur technique réelle, nécessaire au bien de la marine ; mais le but de sa vie ne peut être limité à cette spécialisation et, pour particulières que soient ses études,