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point opposés à cette tendance ; ils méconnaissaient le but général d’une Ecole militaire, où l’enseignement ne doit pas être destiné à l’élite, mais à la masse. Si, en effet, un officier doit être instruit, il doit être avant tout un homme d’action documenté ; la science lui est par principe enseignée dans une mesure suffisante, pour être utilement appliquée. Dépasser cette mesure, qu’il faut du reste fixer très largement, semble une erreur et une utopie. Il ne suffit pas, en effet, de prescrire l’application d’un programme pour obtenir les résultats espérés, et l’on manque aussi bien un but en le dépassant qu’en ne l’atteignant point.

L’un des très distingués professeurs actuels du Borda disait un jour que, sur les soixante élèves dont il était chargé, trois seulement suivaient complètement son cours !

Un tel aveu suffit à condamner un système, une culture scientifique déterminée est indispensable pour comprendre et pénétrer les technicités de la marine, elle doit être effective et durable ; elle n’est pas destinée à se montrer simplement aux examens, mais bien plutôt à être utilisée constamment dans la carrière de l’officier ; elle ne doit pas être le privilège de quelques-uns, elle doit être le propre de tous ; elle ne doit pas être quelconque, elle doit être conforme à son objet. Il faut donc savoir la limiter au nécessaire, et accepter les conditions nouvelles de son enseignement.

Ces idées sembleront peut-être très terre à terre ; il n’est pas flatteur de les exposer et de les défendre, mais tout ce qui brille n’est pas or, dit le proverbe, et à notre époque réaliste, où l’on vit très ardemment, il faut s’armer utilement pour l’existence.

Croirait-on que depuis quelques années seulement les élèves de l’Ecole Navale font des devoirs écrits de mathématiques, doivent résoudre des problèmes, appliquent en un mot ce qui leur est enseigné ?

Jusque-là, ils apprenaient des cours, récitaient pour ainsi dire des leçons ; ils avaient l’apparence quelquefois brillante d’une instruction mathématique, mais rarement son utile réalité. Les cours techniques n’étaient de cette façon pas reliés aux cours scientifiques ; la dépendance mutuelle, toute naturelle, des uns et des autres, ne ressortait pas pratiquement.

De cette conception fausse de l’instruction, il résultait chez les officiers une inexpérience absolue des calculs, et, plus tard,