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M. Wilson, contrairement à Jefferson, est un excellent orateur et s’il reprenait l’habitude de Washington et d’Adams, la présentation des messages présidentiels pourrait contribuer largement au succès de sa présidence. Nous retrouvons aussi ce passage dans une des conférences qu’il prononça à Columbia :


Il est évidemment du devoir de tout homme d’État, quelle que soit la branche du gouvernement dont il fait partie, d’étudier avec soin les meilleurs intérêts du public et ce qui, dans la décision de cas difficiles et compliqués, donnera le plus d’autorité au gouvernement. Personne ne peut mieux jouer ce rôle que le président, et s’il a du caractère, de la modestie, s’il est dévoué, s’il a de la force et une connaissance approfondie des affaires, il pourra, en réunissant les élémens antagonistes de notre système, en former un corps puissant pour le bien public.


Au cours de cette même conférence, en parlant de la tendance du Sénat, dans ses rapports avec le président d’alors, « à montrer sa fierté d’indépendance, son désir de gouverner au lieu d’être un conseiller, son inclination d’accroitre son autorité et de diriger en quelque sorte la politique de gouvernement, » M. Wilson fit cette remarque suggestive : « Le président pourrait être moins raide, moins hautain, pourrait agir d’après l’esprit de la Constitution, et, de sa propre initiative, établir des liens de confiance avec le Sénat. » Ce fut par ces moyens que M. Wilson conquit magistralement, plus d’une fois, le corps législatif de l’État de New Jersey.

Du fond de son cabinet académique, M. Wilson a aussi pesé soigneusement les raisons pour et contre « l’appel à la nation, » arme dont le Président se sert souvent avec succès. Il parle ainsi dans cette même série de conférences :


Lorsque le Congrès est en session, le speaker de la Chambre prend souvent, aux yeux du pays, des proportions plus importantes que celles du président des États-Unis ; mais ce dernier, possédant l’attention de tout le pays dont il est l’avocat et le représentant, peut mettre la Chambre dans une fâcheuse posture, s’il en appelle à la nation. C’est là où se trouve la grande différence entre le président et le speaker, tous les deux semblant avoir, dans le cercle restreint de Washington, une puissance quasi égale... Le speaker ne s’adresse point à la nation ; il sentirait qu’il se couvre de ridicule en le faisant. Mais le président peut le faire quand bon lui semble, avec n’importe quels argumens, n’importe quels projets, n’importe quelles explications qu’il lui plaît de présenter. Tout le monde lira ce qu’il a prononcé, surtout si le public sent qu’il y a de l’électricité dans l’air ; mais peu de personnes liront ce qui se passe à la Chambre où il n’y a pas un député qui puisse parler au nom de l’assemblée entière ou au nom de la nation ; et si la nation se trouve être de l’avis du président, s’il peut la convertir à sa