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Chambre est gouvernée par son speaker ; le pouvoir exécutif est entre les mains du président. Mais, bien que ce dernier soit le leader national de son parti, il ne peut pas se passer de l’appui du speaker, sans lequel aucune loi ne peut être votée... Personne ne voudrait voir le président en possession d’un pouvoir capable de contre-balancer les décisions du Sénat, mais il existe certainement une fâcheuse erreur dans le fait que le Congrès puisse gouverner sans être en rapport intime et confidentiel avec les représentans du pouvoir exécutif... Un fait assez étrange de notre développement politique est que les Chambres dans leurs législations rejettent la direction du gouvernement ; c’est là le seul exemple parmi tous les corps législatifs en existence... Constitué tel qu’il est, le gouvernement fédéral manque de force parce que ses pouvoirs sont divisés, de promptitude parce que les chefs sont multipliés, d’efficacité parce que les responsabilités ne sont pas nettes, enfin de direction compétente dans les actions.


Lorsque M. Wilson fut candidat au poste de gouverneur de l’Etat de New Jersey, il déclara publiquement son intention, s’il était élu, de porter en cela remède au système gouvernemental : il voulait être le vrai chef de son parti, et il veillerait à ce que les promesses faites par la plate-forme fussent mises en lois par le corps législatif ; une plate-forme politique ne serait plus désormais un simple moyen d’arriver, simply a thing to get. in on, ainsi que l’exprima un sénateur spirituel. En effet, pendant ces deux dernières années passées par lui à Trenton, M. Wilson a fait son possible pour tenir parole. Tout porte à prévoir que le même but sera poursuivi à Washington. Les études de M. Wilson, aussi bien que son gouvernorat, l’ont déjà familiarisé avec ce rôle. En voici un exemple pris parmi plusieurs. Dans un chapitre : Des relations entre le pouvoir exécutif et le Congrès de son livre The State, il écrit :


Washington et John Adams, — les deux premiers présidens, — d’après leur interprétation de la Constitution, s’adjugeaient le droit de se présenter en personne devant le Congrès, afin d’y prononcer leur message annuel. Mais Jefferson, le troisième président, n’étant pas un bon orateur, l’habitude se perdit et fut remplacée par le mode des messages écrits, qui s’établit fermement. Voilà l’origine d’une règle sacrée d’action constitutionnelle ! (Le point d’exclamation est de M. Wilson.) Comprise de la première façon, cette clause aurait permis un échange d’opinions beaucoup plus simple, public et entraînant la responsabilité entre le pouvoir exécutif et le Congrès ; mais ayant été interprétée différemment, cette clause ne permet au président qu’une déclaration de pure forme et sans portée. En conséquence, le pouvoir exécutif et le Congrès manquent entièrement de coopération et de confiance mutuelle, et cela à un degré qui n’a point de semblable.