Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 14.djvu/380

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toutes les formes actives et passives que comporte sa haute magistrature, de devenir non seulement le chef de son parti, mais celui de toute la nation, et d’assouplir pour cela le système si complexe et si raide du fédéralisme américain, dont nul mieux que lui ne connait les ressources. En un mot, il cherchera à faire, en temps de paix, pour les réformes sociales, ce que Lincoln fit, durant la guerre civile, pour la défense nationale. La situation des États-Unis appelle une conduite de ce genre, et si le nouveau président s’y conforme, il sera, sans nul doute, soutenu par la masse du public qui désire un chef,

M. Wilson a exprimé à quatre reprises différentes ses idées sur ce que pouvait et devait être un président des États-Unis : en 1884, dans son Congressional Government ; en 1893, dans An Old Master and Other Political Essays ; en 1900, dans la préface de la quinzième édition de son premier livre nommé plus haut, et quelques années plus tard dans ses conférences données à l’Université de Columbia. Il est curieux de noter combien ses idées se sont élargies à mesure que la présidence s’élargissait elle-même, et on peut deviner ce que sont ses pensées au moment où il assume des devoirs qu’il a tant commentés. Il écrivait dans son premier ouvrage :


Le prestige attaché aux fonctions du président s’est abaissé à mesure que s’abaissait la valeur des présidens et la valeur des présidens amoindris baissait à mesure que se perfectionnaient les tactiques d’égoïsme des partis... Les membres du Cabinet n’étaient autrefois que des conseillers ; ils sont devenus des collègues. Le président n’est presque plus maintenant l’exécutif ; il est le chef de l’administration. Il nomme l’exécutif... La dignité d’autrefois ne revêt plus cette haute position... La présidence est trop silencieuse, trop inactive ; elle ressemble trop peu à une présidence de conseil et trop à une surintendance... Aucun homme d’un talent ordinaire ne doit désespérer de se trouver un jour candidat à la présidence... La présidence est bien loin de valoir une bonne présidence de conseil.


Il y a près de trente ans que M. Wilson écrivait ce passage. La nouvelle préface de ce même ouvrage, écrite plus de quinze ans plus tard, après la guerre des États-Unis avec l’Espagne, est conçue dans un tout autre style :


Le président des États-Unis est maintenant à la tête des affaires comme ne l’a jamais été aucun président, à l’exception de Lincoln, depuis le premier quart du XIXe siècle, quand les relations étrangères de la jeune nation commençaient à se former. Il n’y a maintenant plus aucune difficulté pour que les discours du président soient lus et imprimés mot pour mot. De son