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grande idée morale fut étouffée. Mais ce fut tout de même une victoire pour le vaincu.

Le président Wilson sentit que son œuvre à Princeton était devenue provisoirement impossible ; il décida de se retirer, mais non pas dans l’obscurité. Le public avait suivi les phases de ce qui s’était passé à l’Université ; l’opinion s’en était émue dans des sens divers et des élections devant avoir lieu dans le New Jersey, les électeurs se demandèrent si M. Wilson n’était pas l’homme dont ils avaient besoin à la tête de leur capitale. Des politiciens avisés entendirent ce vœu de l’opinion ; la Convention démocratique de l’État se réunit en septembre et choisit M. Wilson avec enthousiasme comme porte-drapeau du parti. Il se trouvait à Princeton au moment où la nouvelle lui parvint ; il sauta dans une automobile et vingt minutes plus tard il se trouvait sur l’estrade à Trenton, recevant les ovations de la foule. Dans une improvisation fort bien conçue, il accepta la candidature. Ce fut son premier pas dans la politique active. Pendant sa campagne, M. Wilson insista sur la nécessité de faire sortir les choses politiques des cabinets obscurs où les politiciens et les tripoteurs de profession font leur cuisine habituelle et de tout porter au grand jour. Il demanda la création d’un nouveau système politique qui permettrait au peuple d’avoir une voix dans ses propres affaires ; il appuya sur la nécessité de faire table rase des idées sociales et industrielles dominantes en Amérique : de grands changemens s’étant produits dans les vingt dernières années, il fallait en tenir compte et établir des relations nouvelles entre le patron et l’ouvrier. C’était déjà un avant-goût des discoure qui devaient retentir dans la campagne pour la présidence.

Le 8 novembre 1910, M. Wilson fut élu gouverneur de l’Etat à une grande majorité et il résolut de mettre en pratique, dans les limites du possible, ce qu’il avait toujours prêché, c’est-à-dire d’abandonner ce système « des trois branches coordonnées, » le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire, système qui a toujours trouvé une si grande faveur parmi les faiseurs de constitutions en Amérique. Il croyait fermement que le gouvernement par le Congrès et la présidence à la mode américaine devaient être améliorés. Il voulait, en un mot, mettre en pratique ce qu’il avait écrit dans ses livres. Ce qu’il a fait à Trenton, il le fera à Washington autant que les circonstances, — elles sont un peu différentes, — le permettront.