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où il voit un « préservatif des idées saines. » Il fait l’apologie comme il suit :


Je suis tenté de faire un plaidoyer général en faveur de l’esprit, qui est certainement digne d’accompagner les grandes pensées et les sujets sérieux. L’esprit ne rend pas un sujet léger ; il le pétrit,, tout simplement, et le rend ainsi plus maniable. Je crois, pour ma part, qu’aucun homme n’est vraiment maître de son sujet, s’il ne peut jouer avec, s’il ne peut taquiner ses propositions et vivre en camarade avec elles. On doit soupçonner d’un manque de pénétration tout homme qui se prend lui-même et ce qu’il fait trop au sérieux. Rien n’éclaire autant un sujet qu’un peu d’esprit.


Ici M. Wilson revient au thème antérieur :


Le politicien littéraire, permettez-moi de lo déclarer carrément, est un genre très supérieur d’homme pensant. Il lit les livres comme il écouterait parler ; il reste à part tout en regardant avec un sourire sympathique et spirituel le jeu de la politique ; il pourrait vous dire, pour peu que cela vous intéressât, à quoi pensent les joueurs ; il devine tout de suite comment seront distribués les rôles ; il sait à l’avance ce que chaque acte va vous montrer ; il peut. facilement vous annoncer en quoi consistera le dialogue, et si vous manquiez de metteurs en scène, il les remplacerait admirablement.

Ce n’est pas le professeur de droit constitutionnel, ni celui qui étudie le mécanisme seul de l’organisation légale des institutions ; ce n’est pas non plus l’homme politique qui n’est qu’un simple rouage dans la machine, ce ne sont pas ces hommes-là qui seraient capables de comprendre et d’expliquer un gouvernement. C’est un homme qui a formé son intelligence en examinant tous les actes, tous les motifs, toutes les circonstances. Il est utile de se rapprocher du poète ainsi que de son voisin, de s’associer aussi bien aux découragés qu’à ceux auxquels sourit la prospérité, d’étudier le négociant et l’industriel aussi bien que le savant qui vit retiré, le professeur et celui dont la vie a été le seul professeur, l’orateur et ceux qui ont travaillé dans le silence, au milieu des penseurs, au milieu des affaires : ce n’est qu’à ces conditions que vous comprendrez ce grand ensemble d’histoire et de caractère qui est le facteur principal de la politique.


Cette remarque de M. Wilson, qu’il faut, pour être un homme politique complet, « se rapprocher du poète, » nous invite à étudier un instant le côté poétique de son caractère. Il est très marqué. Ses essais, ses études politiques même, sont parsemés de citations tirées des meilleurs poètes américains et anglais et de passages à la louange de la poésie et des bardes. « On connaîtra mieux la politique d’une nation par sa poésie, dit-il, que par tous ses écrivains qui traitent des affaires publiques et de sa constitution. » Et ceci encore :


Les savans historiens de la liberté sont pleins d’informations, mais il