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de la multiplicité de ses connaissances sur l’administration. Il n’a nul doute que le Concordat ne soit mené à sa fin.


9 février.

Hier encore, j’ai encore parlé à d’Eymar et j’ai vu clairement qu’il avait été presqu’étonné de la manière douce dont le Consul lui avait parlé de toi et il m’a confirmé qu’il n’avait aperçu aucun symptôme d’irritation contre M. C. et, partie sentiment, partie vertu, il m’a parlé comme étant décidé à ne pas diminuer envers lui d’empressement. Combien je sens ta position présente. Je crains que tu ne donnes des conseils contre toi par générosité. Je suis bien loin de blâmer ce sentiment, mais il ne faut pas aller jusqu’à se méprendre sur les véritables intérêts de ses amis pour leur montrer un dévouement plus entier. Adieu, chérie.


20 février.

M. et Mme de Noailles sortent de chez moi. Ils ont parlé de toi, de tes succès, de la manière du monde la plus animée et la plus satisfaisante pour moi. Ils m’ont dit que tu avais tout vaincu, tout subjugué dans la société et qu’il n’y avait plus de malveillans pour toi ; que l’éclat de ton esprit était tel que Mme de Tessé disait qu’elle voudrait être reine pour avoir le droit de te commander de venir parler près d’elle ; que de plus tu étais devenue très prudente et que tu étais la première à rejeter les conversations de politique ; que chez les Suard la maison était pleine les jours où l’on savait que tu devais y venir. Je sais bien que M. et Mme de Noailles ne rapportent tout cela que par ouï dire, mais ce n’est que mieux. Enfin il n’y a eu aucun mais dans leur discours, et c’est la femme surtout, elle qui regarde moins vaguement que son mari, qui a surtout parlé. Ils m’ont fait un brillant tableau de l’embellissement physique de Paris, les Tuileries, le Muséum, l’Opéra, la place nouvelle devant les Tuileries, les gardes consulaires, les revues du quintidi ; c’est bien assez ce me semble pour satisfaire les étrangers et pour les attirer, mais le tableau de la société m’a plu ; de même cette simplicité forcée des personnes qui avaient autrefois un rang et un état distingués et qui sont rappelés par leur costume et par leurs habitudes à tout ce qu’ils ont perdu et qui seraient aisément chagrins d’une autre manière de la part de tel et tel : cette vanterie d’indifférence au présent avec un amer souvenir du passé, ces conversations qu’on porte avec contrainte vers tout ce qu’il y a de plus innocent, etc. J’ai bien vu par des mots échappés qu’ils étaient du grand nombre de ceux qui me croiraient déplacé à Paris, mais je n’ai jamais le courage de personnalité nécessaire pour les mettre sur cette question et c’est un sentiment que j’éprouve constamment ici comme ailleurs, sans exception et partout. Les personnes dont je viens de parler auraient pu me donner un autre exemple, car ils vivent en eux d’une manière formidable. Ils se trompent, ce me semble, pour leur bonheur en venant chercher un établissement dans ce pays. Ils n’y trouveront point à l’épreuve le remplacement de Paris, mais dans ce moment ils ont un éloignement pour leur situation précédente que je ne puis concevoir.