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le général Bernadotte et ses amis. C’était plus qu’il n’en fallait pour me perdre si leurs desseins avaient été découverts. » Les archives de Coppet ne m’ont fourni aucune lumière sur ce point obscur. Si elles portent trace en effet des relations de Mme de Staël et de Bernadotte, et si ces relations sont attestées par une fort belle miniature qui est probablement un don de Bernadotte lui-même, les documens qui témoignent de ces relations sont d’une époque très postérieure. Il est difficile cependant de croire que Mme de Staël ait été laissée dans une ignorance complète de ces vagues desseins. À tous les points de vue, elle passa donc un hiver et un printemps fort agités. De ces agitations, nous allons trouver de nouveau le contre-coup dans la correspondance de M. Necker, et nous y verrons en même temps que cependant rien ne portait atteinte à l’admiration du père et même de la fille pour « le héros. »

1er janvier.

Ta lettre du 7 nivôse m’a soulagé après celle du… J’ai beau connaître tes accès de véhémence, la plume à la main, il m’en reste toujours une impression pénible. Le moral devient de plus en plus mon dominateur, et je suis au-dessous de ce qui est dans mes expressions. Je vois toujours revenir, à cinq heures et demie du matin, les choses qui m’ont saisi même très passagèrement, dans la journée, et quand j’éprouve ce que de petites choses me font aujourd’hui, j’ai peine à croire que de grandes ne surpassent pas mes forces… Je reviens à toi. N’as-tu donc aucun secours dans tes blessures de détail ? Es-tu, comme moi, sans aucun confident, sans aucune aide ? Passe pour un vieillard ; il doit s’y attendre ; mais toi qu’il est si doux de suivre dans les plus légers sentimens, se lasserait-on de te secourir ?

J’ai su des détails charmans de société dans une lettre de ta cousine à sa mère. Elle reste au coin de sa cheminée et tu voltiges de triomphe en triomphe ! C’est elle qui est sereine et c’est toi qui te plains ! Quelle fatalité ! Mes vœux, mes tendres vœux et tout ce qui est en moi.


Sans date.

On attend à tout moment de savoir quand le Consul partira pour Lyon. Je voudrais pour ma part qu’il ne se mît pas en route dans ces mauvais temps, mais que fait le mauvais temps à quelqu’un qui a passé et repassé les plus hautes montagnes ? mais c’était pour des causes plus importantes, autant du moins qu’on en peut juger du parterre.

Si le Consul envoie de nouvelles lois au Corps législatif, il va trouver tout facile, et les Finances, le Concordat, l’éducation, seront des sujets importans, les Finances surtout en ce moment. Y aurait-il pensé en frappant comme il a frappé ? Quel habile homme dans toute la force du mot !