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MME DE STAËL ET M. NECKER
D’APRÈS LEUR CORRESPONDANCE INÉDITE


III[1]
AVANT L’EXIL

Mme de Staël était partie pour Coppet dans les premiers jours de mai 1800. Bonaparte, qui préparait alors le passage de son armée par le grand Saint-Bernard, l’avait précédée d’une semaine en Suisse. À Genève, il eut une entrevue avec M. Necker. Suivant Mme de Staël, ce serait Bonaparte qui aurait désiré voir M. Necker, et en effet il lui avait fait parvenir, trois années auparavant, l’expression de son regret, de ne l’avoir point vu lors de son rapide passage à travers Coppet. Suivant d’autres, ce serait M. Necker qui aurait sollicité l’entrevue. Rien n’en témoigne, sauf cette phrase d’une de ses lettres à sa fille : « Je voudrais bien que le grand, le héros consul, vînt à Genève. » Mais il n’y a point là trace d’une sollicitation. La vraisemblance est que le désir de cette entrevue fut réciproque. L’admiration de M. Necker pour Bonaparte était trop grande pour qu’il ne désirât pas le rencontrer et M. Necker, bien qu’assurément un peu oublié des générations nouvelles, avait laissé cependant en France une réputation trop grande pour que Bonaparte, qui aimait à connaître les hommes, ne fût pas curieux de l’entretenir. Il ne subsiste malheureusement de cet entretien aucun récit contemporain et authentique. S’il fallait en croire Mme de Staël dans ses Dix années d’exil, M. Necker n’aurait trouvé rien

  1. Voyez la Revue des 15 février et 1er mars.