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à Berlin, rien n’est plus naturel, et que cette préoccupation ait été pour quelque chose, pour beaucoup même, dans les mesures militaires qu’on s’apprête à y prendre, rien n’est plus vraisemblable. Quand les Allemands disent que ce n’est pas à la France qu’ils ont songé, mais à la Russie, ils sont sans doute sincères : seulement, nous ne pouvons pas oublier que nous sommes les alliés de la Russie, que nos intérêts sont liés aux siens et que les événemens qui la mettraient en cause nous mettraient en cause nous-mêmes. L’Allemagne donne un trop bel exemple de fidélité à ses alliés pour trouver surprenant que, nous pratiquions la même vertu. N’est-il pas d’ailleurs évident que si la Russie venait à succomber dans la lutte qui se prépare entre le monde slave et le monde germain, la France resterait découverte et isolée sur le continent ? S’exposer à ce danger serait de sa part une suprême imprévoyance. Au surplus, nous demeurons convaincu, comme nous l’avons dit bien souvent, que le gouvernement allemand désire la paix et que, s’il augmente sa puissance militaire, c’est pour être mieux à même de la maintenir, au besoin même de l’imposer ; mais ce qu’il fait pour cela, nous devons le faire aussi parce que, lorsqu’il y a une disproportion trop grande entre les forces de deux pays voisins, la juxtaposition du pot de fer et du pot de terre finit toujours mal pour ce dernier. Les meilleures dispositions, les plus pacifiques, les plus pacifistes même, ne suffisent pas à retenir la logique immanente des choses. La brusquerie d’un premier mouvement peut avoir des conséquences inéluctables, et l’Allemagne a montré, sans qu’il faille remonter très haut pour en trouver des exemples, que son premier mouvement la porte souvent à user de l’intimidation comme moyen diplomatique. C’est un moyen qui s’use quand on l’emploie trop fréquemment ; il ne s’use pas seulement : le moment vient où il produit un effet contraire à celui qu’il se propose et où il fait naître une irritation et des impatiences avec lesquelles il est dangereux de jouer. Le meilleur moyen de maintenir la paix entre deux pays est d’assurer entre eux un respect réciproque dont une certaine égalité dans les forces qu’ils peuvent s’opposer est de beaucoup la plus sûre garantie.

Le gouvernement de la République s’en est rendu compte : il a fait savoir tout de suite, par la voix de la presse, qu’il allait demander un crédit d’un demi-milliard pour procéder à des améliorations devenues urgentes dans notre armement. C’est fort bien et on ne peut qu’applaudir à cette initiative ; mais, après l’avoir approuvée, il faut en constater l’insuffisance. S’il y a dans notre armement des imperfections