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était d’autant plus fort que la température était plus élevée : c’est ainsi qu’à 3 300° la proportion d’oxyde azotique produit est cinquante fois plus forte qu’à 1 500°. Mais la réaction est réversible, c’est-à-dire que la proportion diminue et très vite avec la température. Il s’agissait donc de produire dans l’air des* étincelles d’une part très chaudes, d’autre part intermittentes et assez brusquement interrompues pour que le produit instantanément refroidi n’ait pas le temps de se décomposer. C’est ce qu’on a réalisé de diverses manières, notamment par l’ingénieux procédé de Birkeland-Eyde, fort développé en Norvège et qui consiste à interrompre fréquemment un arc électrique au moyen d’un champ magnétique perpendiculaire.

Bien que le rendement de cette méthode soit loin d’être parfait, — puisque environ 3 pour 100 seulement de l’énergie fournie est trans- formée en énergie chimique, — elle permet d’obtenir l’azotate de chaux à un prix (1 fr. 55 environ le kilogr.) qui permet de concurrencer avec avantage les azotates du Pérou. Comme il est naturel, les usines qui fabriquent les engrais artificiels se sont surtout établies dans les régions qui, comme la Norvège ou les Alpes, fournissent à peu de frais, grâce à leurs chutes d’eau, l’énergie électrique.

L’emploi de plus en plus développé du four électrique n’est pas moins caractéristique de l’évolution actuelle de la chimie vers les méthodes physiques. Il montre que la réalisation des hautes températures n’a pas été moins fructueuse pour la science et l’industrie que celle des grands froids dont j’entretenais naguère mes lecteurs.

Le four électrique est formé par un arc électrique éclatant entre deux charbons dans une cavité creusée au sein d’une matière très réfractaire comme la chaux. On obtient de la sorte des températures dépassant 3 000° et qui produisent des réactions chimiques irréalisables au-dessous. C’est ainsi que, sous l’impulsion de Moissan, qui fut ici un initiateur de génie, s’est fondée la chimie du four électrique. Celui-ci a permis d’abord de préparer, par réduction de leurs oxydes, certains métaux comme le chrome et le molybdène qu’on n’avait pas encore obtenus à l’état libre, et qui Jouent un rôle de plus en plus grand en métallurgie. Puis vinrent les carbures métalliques, que l’on obtient en traitant au four électrique les métaux ou leurs oxydes dans des creusets de charbon. Le plus anciennement connu des carbures métalliques est le carbure de fer qui constitue pour la plus grande part la fonte ; on sait en effet qu’on obtient celle-ci en incorporant du charbon au fer doux. Moissan réalisa un grand nombre de carbures d’autres métaux. L’un des plus connus est le carbure de