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chimistes. M. Urbain, a découvert récemment le néoytterbium, le lutecium et le celtium, dans les terres rares où ils existent en quantités si minimes qu’aucune des méthodes chimiques habituelles ne les y pourrait déceler.

Cette prodigieuse sensibilité de la méthode spectrale ne s’applique pas seulement à des masses infinitésimales ; elle s’exerce aussi bien sur des objets prodigieusement éloignés. Par elle, Norman Lockyer a découvert dans le soleil l’hélium trente ans avant que les chimistes ne le décèlent dans l’air même que nous respirons. Par elle, un simple frisson de l’éther, vient à travers le diamètre des cieux, nous apprendre que les mêmes élémens que les nôtres vibrent dans les lointaines étoiles aux frontières de l’Univers, et nous faire admirer l’unité chimique du monde.

Par elle enfin, nous avons pu déceler dans les astres des corps encore inconnus de nos chimistes, le nébulum au fond des froides nébuleuses où germent les soleils, le coronium dans l’atmosphère extérieure du soleil. Et c’est pourquoi nous sommes en droit de dire que la liste des corps simples existant sur la terre n’est sans doute pas encore close.

A vrai dire, l’expression corps simple est peut-être impropre pour désigner les derniers termes auxquels parvient l’analyse chimique ; le mot « élément » vaut mieux, car il ne préjuge rien sur la nature intime de ce qu’on veut désigner ; le radium, dont les mystérieuses transformations aboutissent à la production d’hélium, comme aussi les étranges recherches en cours de Ramsay sur la transmutation tendent à prouver que les prétendus « corps simples, » que les élémens chimiques sont en réalité des êtres fort complexes. J’en reparlerai prochainement dans une étude que je compte consacrer à cette énigme merveilleuse de la transmutation radioactive.

La découverte et la préparation des « élémens chimiques « n’a pas seulement l’intérêt spéculatif qui s’attache à toute connaissance nouvelle. Elle est d’un intérêt puissant pour la société. Toute la métallurgie n’est qu’une préparation d’élémens chimiques à partir des minéraux. Or rien ne prouve que les métaux nouvellement découverts n’auront pas d’ici peu leur métallurgie. Il suffit de se rappeler à cet égard l’histoire de l’aluminium dont le premier kilogramme, préparé il y a un demi-siècle, revint à un prix fabuleux et qui est devenu un des métaux les plus usuels.

Les métaux de la famille du manganèse nous offrent un exemple analogue, grâce au débouché énorme que leur ont donné les progrès récens des lampes à incandescence. Le rendement lumineux remarquable