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Encore, là, créait-il, — avec exactitude, mais à sa guise, — et Colette et l’entourage de cette charmante fille. Les Baillard ne dépendent pas de lui ; c’est pour découvrir les Baillard qu’il a instauré cette méthode : les documens et la méditation soumise à l’influence de la colline sainte. Il dit : « J’ai surpris la poésie au moment où elle s’élève comme une brume des terres solides du réel. » Et, de même qu’un autre historien nous ferait d’abord assister à son enquête d’archiviste, à son débrouillement de textes, il nous fait assister, lui, à sa « méditation soumise » sur la colline de Sion. Quel prélude !...

« Il est des lieux qui tirent l’âme de sa léthargie, des lieux enveloppés, baignés de mystère, élus de toute éternité pour être le siège de l’émotion religieuse... » Il cite Lourdes, entre le gave et le rocher ; la plage mélancolique des Saintes-Maries, Vézelay héroïque, la lande de Carnac. la forêt de Brocéliande, le mont Auxois, « autel où les Gaulois moururent aux pieds de leurs dieux ; » Domrémy, avec ses trois fontaines.., « Ce sont les temples du plein air... « et « il y a des lieux où souffle l’esprit... » Sur la colline de Sion-Vaudémont, promontoire en demi-lune, les Celtes avaient placé, à l’une des pointes, Rosmertha la déesse, à l’autre pointe le dieu Wotan. La Vierge mère s’est substituée à la déesse : et les seigneurs de Vaudémont bâtirent leur château sur l’ancien sanctuaire du dieu. Les cultes de Rosmertha et de Wotan, jadis, étaient associés. Semblablement, les seigneurs de Vaudémont posèrent leur couronne au front de la Vierge. Et ainsi, « à travers les siècles, la pensée de la montagne s’est déroulée et s’est amplifiée sans que la tradition fût rompue. » Maintenant, le château a disparu ; et, en 1793, une bande venue de Vézelise a démoli la statue sainte. Mais, dans les décombres de la colline, les gens du pays ont trouvé une vierge de pierre, qui tient dans sa main l’alérion de Lorraine et qui en amuse l’enfant Jésus ; ils l’ont dressée sur le sol où leurs pères priaient la vierge de Sion : par elle-même et par l’insigne qu’elle porte, elle figure les deux puissances tutélaires de la colline et continue le double rôle séculaire de la chapelle et du château. Telle est, sur la colline de Sion-Vaudémont, la perdurance (la passé.

Sur la colline de Vaudémont, à l’automne, la lumière est d’un jaune mirabelle. Par les jours dorés de septembre, les nuages glissent dans un ciel immense, La plaine est plissée, comme de dunes. Il y a des champs, des pâturages, des vignobles, des bois, des labours « où les laies de la charrue font un grave décor ; » et il y a le vent perpétuel, dans un vaste paysage. « Cet horizon où les formes ont peu de diversité