Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 14.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE LITTÉRAIRE

LA PRAIRIE ET LA CHAPELLE[1]

Borville est un village de Lorraine, entre Épinal et Lunéville, non loin de la forêt de Charmes ; un village pieux : des statuettes de la Vierge protègent les portes des maisons. À Borville demeurait, au commencement du siècle dernier, Léopold Baillard, « père de trois prêtres. » En 1821, l’aîné, qui s’appelait aussi Léopold, fut nommé curé de Flavigny-sur-Moselle, et ses deux frères, l’un François et l’autre Quirin, furent, peu de temps après, nommés dans des paroisses toutes proches.

Les trois Baillard, hommes de rêve et d’action, bouleversèrent le pays. Animés d’un grand zèle religieux et dominateur, ils restaurèrent, sur la colline de Sion, le sanctuaire et le culte de Notre-Dame. Ils fondèrent un institut de frères et une congrégation de religieuses : la colline fleurit de pensée divine et de prospérité. Ils cédèrent à la double ambition qui les excitait : une ambition d’apôtres ardens et une ambition de paysans qui élargissent leur domaine. Ils engagèrent de folles dépenses ; et ils allaient trop hardiment à la faillite, quand l’évêque de Nancy, prudent, les avertit et leur commanda de faire, à la Chartreuse de Bosserville, une retraite un peu calmante. L’évêque, en outre, dispersa les frères et les religieuses. Et voilà détruite l’œuvre des Baillard.

L’œuvre, non l’énergie des Baillard. Une ferveur si bien allumée

  1. La colline inspirée, par Maurice Barrès. 1 vol. in-18 ; Émile-Paul.