Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 14.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seront les conséquences de cet état de choses au point de vue des relations des peuples entre eux ? Les liens qui les unissent en seront-ils fortifiés, ou bien l’esprit particulariste viendra-t-il réagir contre cet internationalisme économique, qui peut paraître aux esprits ombrageux une menace pour l’indépendance et une atteinte à la dignité de la nation ? Nous ne chercherons pas à répondre aujourd’hui à ce point d’interrogation. Nous sommes en présence de l’un de ces courans créés par le développement du capitalisme moderne qui ont une force singulière et contre lesquels il est malaisé de lutter : ils sont une conséquence de révolution industrielle, de la floraison luxuriante des sociétés anonymes, de l’expansion des grandes institutions de crédit. Le besoin d’activité de ces organismes puissans, qui détiennent des milliards, les conduit à faire couler le Pactole dont la source est entre leurs mains, vers les régions où il fera lever les moissons les plus abondantes, c’est-à-dire là où le capital trouvera sa plus large rémunération. C’est presque une loi d’attraction ou d’équilibre physique qui appelle les flots fécondans là où le besoin s’en fait le plus vivement sentir.

Nous sommes les premiers à reconnaître que d’autres causes peuvent contrarier ou retarder l’effet de celles que nous venons de décrire : mais, quelle que soit leur puissance, elles n’agissent que pendant un temps. Nous verrons de plus en plus, en dépit même des législations hostiles, les capitaux se distribuer à la surface du globe selon la loi de l’offre et de la demande, et renverser à un moment donné les barrières qui auraient été élevées entre les nations. Celles-ci d’ailleurs contribuent, inconsciemment peut-être, à accélérer ce mouvement par les tentatives incessantes qui se font pour unifier les lois commerciales. Nous avons déjà parlé de l’importance qu’a dans la matière l’étalon monétaire : à mesure qu’un plus grand nombre de peuples reconnaissent l’or comme seul métal libératoire, susceptible d’effectuer tous les paiemens, une simplification extrême se produit dans les échanges internationaux, autrefois compliqués et souvent arrêtés par la diversité des législations monétaires. Un rouble russe, un yen japonais, un dollar américain étant aujourd’hui des poids d’or certains et invariables, le négociant français qui expédie des marchandises à Pétersbourg, à Tokio ou à New York, n’a aucune inquiétude à concevoir sur la qualité du paiement qui lui sera fait, ni sur la possibilité pour lui de convertir