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aux besoins de la population ; être toujours prêts à fournir de l’or à ceux qui le demandent en échange de la monnaie indigène. C’est pour remplir cette seconde partie de leur tâche que les gouvernemens accumulent des ressources en dehors de leurs frontières. Le comte Witte l’expliquait dans son rapport au tsar sur le budget de 1893, c’est-à-dire à une époque où le billet russe avait encore cours forcé, lorsqu’il disait : « La concentration dans les mains du Gouvernement d’une masse d’or considérable est d’une importance toute particulière, en présence des efforts tentés plus d’une fois, aux bourses de l’étranger, pour faire baisser le rouble. » Mais il est clair que ce régime est transitoire : le but final auquel tendent les pays qui, sans avoir encore l’étalon d’or, s’efforcent de donner à leur monnaie une valeur fixe, est d’arriver à instituer chez eux légalement l’étalon qu’ils y mettent pratiquement en vigueur. Ce jour-là, ils n’auront plus besoin de réserves métalliques à l’étranger : c’est sur leur propre territoire, aux guichets de l’établissement d’émission, que les billets de banque seront échangeables contre du métal jaune.

Non seulement les pays qui ont établi un régime grâce auquel ils maintiennent une monnaie de papier ou d’argent à la parité de l’or, mais quelques-uns de ceux qui se proposent ce but sans l’avoir encore atteint, sont amenés à constituer hors de leurs frontières des réserves en numéraire. C’est ainsi que le Chili, qui s’efforce depuis longtemps de stabiliser sa piastre, mais n’y est pas encore arrivé, possède en Europe des crédits de banque qui s’élèvent à près de 150 millions de francs, somme sensiblement égale à celle de sa circulation fiduciaire, calculée au change du jour. Celle-ci ne dépasse pas en effet 150 millions de piastres ; et, comme le change actuel n’assigne à la piastre qu’une valeur d’à peu près un franc, il serait aisé d’opérer le retrait de ce papier-monnaie, de ces billets fiscaux, comme on les appelle, et de les remplacer par du métal. L’intervention d’intérêts particuliers et, chez quelques hommes d’État, une fausse conception monétaire, ont ‘empêché jusqu’ici la réalisation d’un programme qui parait simple. En attendant, le Trésor chilien se trouve au nombre de ceux qui possèdent un avoir appréciable à l’étranger. Il l’a presque entièrement confié à des banques allemandes, vis-à-vis desquelles il s’est engagé à ne pas opérer de retraits avant des échéances lointaines. Il contribue ainsi à