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plus lointaine sera l’échéance jusqu’à laquelle il aura renoncé à les retirer, et plus il viendra en aide au marché français. S’il retire des fonds de Londres pour les transférer à Paris, il contribuera à un resserrement monétaire dans la première de ces deux villes, tandis qu’il aidera à rendre les transactions plus faciles dans la seconde. Lorsqu’il s’agit de faire mouvoir des sommes telles que celles que nous avons indiquées, on comprend la portée des décisions à prendre.

De nos jours, où les questions politiques et financières s’enchevêtrent parfois au point de se confondre, il est clair que le contre-coup d’opérations monétaires peut se faire sentir sur le terrain diplomatique. Bien que, de certains côtés, on ait une tendance à exagérer, au point de vue des relations internationales, l’importance du facteur économique, il n’en est pas moins vrai que la force financière d’un Etat est le complément indispensable de sa puissance militaire, et que, dès lors, les gouvernans ne peuvent rester indifférens à ce qui se passe sur ce marché de fonds publics et de capitaux qu’est la Bourse. Là s’échangent à toute heure la marchandise qui s’appelle vulgairement l’argent, scientifiquement le capital monnayé, et cette autre marchandise essentiellement moderne, la valeur mobilière, en laquelle s’incarnent les dettes des États et des sociétés, les actions et les parts d’intérêts des entreprises de toute nature. La hausse ou la baisse des titres, l’élévation ou la dépression du taux de l’intérêt exercent sur l’opinion publique une action considérable. Le ministre des Finances de Russie est à l’heure actuelle, grâce aux disponibilités qu’il n’a cessé de rassembler tant à la faveur d’excédens budgétaires que d’emprunts émis en temps opportun, un des arbitres du marché monétaire européen. Qu’on se figure l’effet que produirait le retrait soudain des centaines de millions de reichsmarks qu’il possède à son crédit à Berlin. Sur cette place, où l’élévation des taux indique l’intensité du besoin d’argent, une semblable mesure pourrait provoquer une panique. Ce serait une atteinte bien autrement grave portée aux intérêts allemands que le coup dirigé jadis par Bismarck contre les fonds moscovites, lorsqu’il ordonna à la Banque de l’Empire de les rayer de la liste des rentes étrangères sur lesquelles elle consent des avances. Dans l’arsenal financier moderne, l’arme que fournit une encaisse formidable répartie sur différentes places est une des plus efficaces qui se