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de roubles[1]. En regard de ce chiffre, il y a lieu de faire figurer les sommes qui sont dues par le Trésor, en vertu de crédits ouverts et non consommés : mais il convient de remarquer que ces dettes n’affectent pas matériellement sa situation, aussi longtemps qu’elles n’ont pas été payées : dès lors, au point de vue qui nous occupe, c’est la totalité de l’encaisse que nous avons à considérer. Toutefois, il faut distinguer la partie qui est en Russie de celle qui est à l’étranger. La première constitue un avoir du Trésor au même titre que la seconde : mais il ne saurait retirer des sommes considérables de la Banque à Saint-Pétersbourg sans affaiblir la situation de l’établissement ; et comme, en réalité, cette banque et lui ne sont qu’un, il n’a pas intérêt à faire de ce compte des emplois spéciaux, qui l’obligeraient à des prélèvemens effectifs. Il a une bien plus grande liberté d’action en ce qui concerne les sommes dont il dispose à l’étranger.

C’est ici que la question prend une ampleur imprévue et que les répercussions possibles de l’action du ministre des Finances méritent d’être étudiées de près. Qu’on réfléchisse en effet à l’organisation moderne du crédit, tant au point de vue de l’escompte que des reports, et l’on comprendra de quel poids pèse sur les marchés financiers celui qui dispose de centaines de millions de francs, au moyen desquels il peut, par exemple, acheter des lettres de change ou faire des avances sur titres. On sait qu’il existe chez les nations modernes un ensemble de capitaux flottans, qui consistent généralement en dépôt dans les banques, et que leurs propriétaires, pour un motif ou l’autre, ne désirent pas consacrer immédiatement à l’acquisition soit d’immeubles, soit de titres de rentes, d’actions ou d’obligations. En attendant leur placement définitif, ces capitaux recherchent des emplois temporaires, tels que l’achat d’effets de commerce ou les prêts à court terme. Plus il y aura de ces capitaux disposés à s’utiliser de la sorte, et plus les taux d’escompte et d’avance auront tendance à baisser. Moins il y en aura, et plus ces mêmes taux s’élèveront. Tout propriétaire d’espèces, tout titulaire d’un crédit de banque est en mesure d’influencer, par l’emploi qu’il en fera, le marché monétaire. Le ministre des Finances de Russie exerce donc une action sur toutes les places où il a de l’argent en dépôt. Plus il aura de fonds à Paris, chez ses correspondans,

  1. Projet de budget de 1912. Mémoire explicatif du ministre des Finances.