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de cas malheureusement, on découvre que les services publics sont plus coûteux et moins efficaces que ceux de l’industrie privée. Mais tel n’est pas le but de notre travail : nous voulons aujourd’hui nous borner à dégager l’une des conséquences qu’amène cette énormité des budgets, à étudier la trésorerie de ces mouvemens de fonds gigantesques, à mettre en lumière les effets surprenans et inattendus de cette concentration de milliards entre les mains des ministres des Finances.

En général, les comptes annuels de recettes et de dépenses ne laissent guère de surplus disponibles : c’est plutôt le déficit qui est la règle ; nombreux sont les gouvernemens qui ont recours à l’emprunt à court ou à long terme, à des émissions de rentes, de billets ou de bons du Trésor. Cependant cette règle comporte d’honorables, et même de brillantes exceptions. Pendant longtemps, les budgets des États-Unis se sont soldés par des excédens considérables, au point que les hommes d’État américains ne savaient qu’en faire : désireux de ne pas abaisser les barrières douanières, ils en venaient à maudire ces millions de dollars que beaucoup de leurs collègues européens leur eussent enviés, et dont l’emploi naturel eût consisté en dégrèvemens, et, avant tout, en abaissemens des droits à l’importation.

Depuis la fin du XIXe siècle, tous les budgets de l’Italie se sont soldés par des excédens, beaucoup moins considérables que ceux des Etats-Unis, appréciables néanmoins, et dont l’accumulation lui a permis de subvenir aux dépenses de la guerre turque, qu’elle espère liquider sans avoir recours à aucune émission de rentes. L’Angleterre, malgré un accroissement vertigineux de ses dépenses militaires, qui ont doublé en dix ans, et l’apparition dans ses budgets de lourdes charges du chef des pensions de vieillesse et des assurances, apprend presque régulièrement de la bouche du chancelier de l’Echiquier que les entrées ont dépassé les sorties. On comprend que, partout où ce phénomène se produit, des sommes importantes emplissent momentanément les caisses publiques ; dans certains cas, elles y demeurent d’une façon permanente. La question se pose alors de savoir quel emploi en sera fait. Si, comme en Angleterre, ce surplus de l’année est, de par la loi, employé à l’amortissement de la Dette publique, il disparait pour ainsi dire aussitôt qu’il a été constitué, et ne se reformera éventuellement qu’au cours de l’exercice suivant, pour s’évanouir de nouveau lorsque celui-ci