Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 14.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toundja présente des propriétés inverses : plus direct sur la carte, il s’écarte à l’excès de la voie ferrée et crée d’immenses difficultés de ravitaillement. Au surplus, les Bulgares doivent opter entre les deux itinéraires, et ne peuvent les utiliser simultanément, sous peine de se présenter en deux corps de bataille distincts, entre lesquels Andrinople ferait un trou. Ainsi, la résistance à leur opposer consistera toujours à s’appuyer sur cette place et, soit par l’aile gauche, soit par l’aile droite, à la prendre pour pivot des forces qui opéreront dans son rayon.

Cette première observation conduisit à d’autres, et fît bientôt découvrir le moderne quadrilatère de Thrace, plus célèbre aujourd’hui en Orient que ne le fut jamais en Europe le fameux quadrilatère lombard-vénitien. Andrinople, Kirk-Kilissé, Dimotika, Baba Eski sont les roues de ce nouveau Char-de-David. Par les deux côtés dont Andrinople marque le sommet, il trace les lignes de résistance éventuelles opposées à l’offensive bulgare ; les deux autres sont des positions de repli.

Suppose-t-on maintenant une armée bulgare débouchant au Sud d’Andrinople, par la vallée de l’Arda ? On la combat aux passages de la Maritza, — premier acte ; — on se rabat de là, — second acte, — vers la ligne de l’Ergène Moyen, entre Dimotika et Baba Eski ; ou encore, directement, vers le front Kirk Kilissé-Baba Eski. On a ainsi le choix entre deux manœuvres, l’une rétrograde, l’autre pivotante ; entre deux positions défensives, pour couvrir la capitale, l’une directe, l’autre de flanc. L’attaque bulgare vient-elle au contraire par l’Est et la vallée de la Toundja ? Le quadrilatère offre encore des facilités pareilles, et permet les mêmes retraites savantes, vers les mêmes positions.

On n’ignore rien à Sofia des développemens que toutes ces hypothèses ont reçus sur la carte dans les Kriegspiel tenus à l’état-major de Constantinople, car on y travaille aussi sur la carte, mais dans l’esprit d’une stratégie strictement bulgare, non pas sujette au prestige de maîtres étrangers. Et justement le plan de concentration, tel qu’il résulte des dernières consultations tenues entre le général Fitchef et le général Savof, va sortir du cadre des discussions d’école et placer les conseillers allemands de Constantinople, comme Veyrother à Austerlitz, en face du cas « qui n’est pas prévu. »

L’intention du commandant en chef est d’aborder de front la courtine Andrinople-Kirk Kilissé en prononçant par sa