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toutes ces marches manqueront, il est vrai, aux rassemblemens principaux ; mais ces détachemens sont indispensables et les forces ainsi perdues seront, dans une certaine mesure, récupérées par l’activité insurrectionnelle qu’elles susciteront au passage parmi les Macédoniens.

En dernière analyse, sept divisions sur neuf restent disponibles pour l’irruption projetée en Thrace. La voie d’invasion naturelle qui s’offre à elles est la vallée de la Maritza. Là, sur une largeur de 30 kilomètres, elles disposeront de nombreuses routes parallèles à la rivière, et de la voie ferrée, d’autant plus précieuse pour elles qu’elles n’ont d’autres trains que les trains régimentaires et que le rail faciliterait grandement leurs ravitaillemens. Plus à l’Est, la vallée de la Toundja présente des facilités de marche à peu près pareilles, à la voie ferrée près, tandis qu’à l’Ouest, on peut, sans difficultés considérables, traverser les collines du Bech Tépé Dagh pour passer dans la vallée de l’Arda. Ainsi les deux régions de Yamboli et d’Haskovo se présentent, de part et d’autre du triangle stratégique Tchirpan-Seimen-Nova Zagora, comme deux zones éventuelles de rassemblement ; chacune d’elles se prolonge vers la Thrace par une voie pénétrante, propre à la marche d’une armée, et toute cette figure symétrique n’a qu’un défaut, c’est que les lignes qu’elle trace, Maritza, Toundja, Arda, convergent vers Andrinople et s’achèvent là en cul-de-sac.

Il est fâcheux, à l’heure où le temps est si précieux, de donner droit dans un obstacle et d’avoir à porter le premier coup, non pas sur l’armée turque elle-même, mais sur la place qui la couvre et qu’elle présente devant elle comme un bouclier. L’état-major ottoman n’a eu garde de négliger un si bel avantage. A la suite des grandes manœuvres de 1910, les premières dans l’histoire de l’armée turque, une critique de Von der Goltz a souligné l’importance stratégique d’Andrinople. Depuis, les défenses de la ville ont été modernisées ; sur sa résistance certaine, on échafaude des combinaisons.

On sait que les Bulgares ne s’immobiliseront pas devant elle, mais que, l’ayant investie, ils la dépasseront aussitôt par l’Ouest ou par l’Est. La première voie est d’abord la plus facile ; mais oblique, et barrée bientôt par l’Arda, par la Maritza, elle est finalement la plus longue pour parvenir au cœur de la Thrace et pour y produire le choc décisif. Le chemin par la