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La mobilisation et la concentration bulgare ont été étudiées dans tous leurs détails depuis 1903. Le temps en reste la donnée essentielle, et il s’agit toujours de faire vite, pour passer dans le délai le plus court aux opérations.

C’est que la Bulgarie, nation de 4 000 000 d’hommes, six fois inférieure à la Turquie en population, n’a d’autres avantages que d’occuper une situation géographique meilleure et d’être mieux à portée de ses objectifs. Elle est chez elle en Roumélie, alors que les sources de l’effectif et les réserves du recrutement turc sont au loin, en Asie Mineure, avec des communications médiocres et de faibles moyens de transport. La ligne ferrée qui part de Scutari, pour atteindre dans diverses directions, Smyrne Angora, Erégli, draine une région très peuplée et peut amener à elle seule une douzaine de divisions de réserve : mais cette ligne à une seule voie n’a pas un rendement supérieur à huit échelons par jour et elle ne pourrait être déchargée par un courant secondaire, dérivé vers la mer de Marmara, que si la ligne Soma-Panderma était achevée.

La Mer-Noire, où la flotte ottomane exerce une maîtrise relative en face de la faible flottille bulgare, la mer Egée, qui est dans un état indéterminé, offrent, par elles-mêmes, des facilités plus grandes ; elles baignent ces régions où la Turquie est forte et dont Erzingian, Erzeroum, Damas, sont les chefs-lieux militaires ; mais, même avec les appoints fournis par ces provinces, cinquante jours seront nécessaires aux Turcs pour former en Thrace une masse de même poids que l’armée nationale mobilisée.

Ce terme passé, l’équilibre numérique se romprait au détriment des Bulgares, s’ils n’avaient justement pour idée directrice d’intervenir offensivement dans la marge du temps dont ils disposent et de profiter alors de leur supériorité relative pour produire à tout prix un événement. L’armée turque ne pourra plus se reprendre, ses renforts ne lui serviront de rien, si, dès le début de la guerre, ils ont su l’atteindre et la frapper au cœur. Ainsi leur campagne de Thrace sera rapide, active ; elle se fera, comme celles de Napoléon, par la quantité de mouvement. Selon la loi même de la force, qui est de produire l’accélération, elle multipliera par la vites.se des corps la farouche exaltation des